Communiqué de l’AEDH et de la LIDU
Les autorités italiennes, en appui avec les autorités européennes, doivent tout mettre en oeuvre pour faire cesser une situation devenue intolérable sur l’île de Lampedusa, à la fois pour les migrants, dont les droits et la dignité sont mis à mal, et pour les habitants de l’île qui ont montré leur solidarité.En ce début d’année 2009, la tension ne cesse de croître sur l’île de Lampedusa, lieu d’un centre de rétention. La semaine dernière, des manifestations ont associé dans un esprit de solidarité les élus locaux, les citoyens ainsi que les migrants et demandeurs d’asile placés en centre de premier accueil (CPA1). Ils manifestaient pour protester contre une situation devenue intenable pour tous. En 2008, 31 700 personnes sont arrivées sur les côtes de Lampedusa. Aujourd’hui, ce sont 1 800 personnes qui s’entassent dans un centre d’accueil prévu à l’origine pour 381 personnes. Pour infléchir le flux des arrivées, le gouvernement Italien veut à la fois durcir la loi sur les expulsions, accroître la durée légale de rétention, et maintenir les nouveaux arrivants sur l’île en créant sur place un nouveau centre de détention de 2.000 places. Ces décisions du gouvernement ont cristallisé les mécontentements.
Dans le prolongement de ces mesures, depuis le 24 janvier, la commission territoriale chargée d’examiner les demandes d’asile a été transférée directement sur l’île, sous le prétexte d’examiner rapidement les demandes de protection internationale et d’expulser tous ceux qui n’obtiennent pas la reconnaissance du statut de réfugié. Comme l’a souligné le bureau du Haut Commissariat pour les réfugiés (UNHCR), dans cette situation, les demandeurs d’asile n’auront pas accès à une assistance juridique ; il n’y a pas non plus d’avocat sur l’île auquel s’adresser pour présenter une demande d’appel dans le cas d’un refus de la demande d’asile. Pour ceux qui n’obtiennent pas le statut de réfugié, l’issue est l’enfermement dans un nouveau centre en construction sur l’île, en attente d’expulsion. En prévision de délais d’expulsion longs, un nouveau décret-loi sur la sécurité doit être approuvé par la Chambre des députés, qui permettrait une détention jusqu’à 18 mois, alors qu’elle est aujourd’hui de 60 jours maximum. On ne peut voir ici que l’effet régressif direct de la directive retour.
Ces restrictions de liberté et de droits des personnes migrantes, l’utilisation de la détention comme outil de gestion d’êtres humains qui ont quitté leur pays, et qui sont de ce fait traités comme des criminels, l’intensification des contrôles de police dans les eaux territoriales des pays nord-africains, au moyen d’accords comme celui passé avec la Libye, ne pourront arrêter ceux qui tentent d’arriver à Lampedusa et en Europe. Cette obsession sécuritaire et de surveillance des frontières ne peut au contraire que pousser ceux qui fuient leur pays à prendre encore plus de risques. Le 20 janvier encore, un bateau en provenance de Tunisie a coulé en Méditerranée, avec 26 personnes à son bord.
Au-delà de l’Italie, la situation de Lampedusa est l’exemple même de l’échec des politiques européennes. La politique de confinement des migrants arrivant sans papiers aux frontières de l’Europe, frontières souvent insulaires comme à Malte, aux Canaries ou à Lampedusa, est non seulement inefficace pour limiter les arrivées en Europe, mais produit des situations intolérables d’atteinte à la dignité humaine, dénoncées par ailleurs dans plusieurs rapports récents 5. De même, sont atteints le droit légitime de demander l’asile et le droit de chacun de quitter son pays inscrit dans l’article 13 de la Déclaration universel des droits de l’Homme.
Aussi, l’AEDH en association avec la LIDU,
– demande à ce qu’il soit mis fin à la situation inhumaine de concentration et de détention des demandeurs d’asile et des migrants irréguliers à Lampedusa ; que des mesures urgentes soient prises pour que ces personnes puissent retrouver leur dignité et vivre dans des conditions sanitaires acceptables ;
– demande que l’accès des demandeurs d’asile à l’assistance juridique et à des recours effectifs soit respecté et que les autorités nationales et européennes soient garantes des Conventions et règles de droit international ;
– demande aux parlementaires italiens de ne pas approuver les propositions du décret-loi qui leur est proposé. Celui-ci est le reflet d’une culture sécuritaire de fermeture des frontières, d’une stigmatisation de l’étranger attisant la xénophobie, et représente un risque de violation des droits de l’Homme. Son application aurait pour effet une aggravation des tensions actuelles dont on ne saurait méconnaître les possibles évolutions dramatiques.
En dehors de l’urgence, ce qui se passe à Lampedusa montre l’échec et l’inefficacité des politiques nationales et européennes de fermeture des frontières et d’enfermement des migrants, y compris des demandeurs d’asile en violation de la Convention de Genève. Cela confirme la nécessité de la mise en oeuvre d’une autre politique d’asile et d’immigration en Europe, accueillante et respectueuse de la dignité humaine et des droits de l’Homme.
3 février 2009
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