Communiqué LDH
Dans ce département français de l’Océan indien, l’amalgame entre délinquance et immigration conduit à la violence. La Ligue des droits de l’Homme s’inquiète de l’organisation de pratiques d’autodéfense et de vendetta à l’encontre d’étrangers supposés en situation irrégulière, et dont les enfants sont les premières victimes.Au prétexte de s’opposer à la répétition de cambriolages, un collectif de villageois de Mzouazia, commune de Bouéni, a entendu se faire justice lui-même, le 19 février, en organisant une expédition punitive dans l’école Jules Ferry. Cinquante-sept enfants, présumés être de parents en situation irrégulière, en ont été expulsés par la violence.
Si les pouvoirs publics ont condamné officiellement de tels agissements, en les qualifiant notamment de ségrégation, de discrimination ou encore de prise en otage, on peut s’interroger sur l’effectivité de cette condamnation.
En effet, lors d’une rencontre avec le vice-rectorat, la gendarmerie et les représentants des villageois, le directeur de cabinet du préfet, a accepté, au nom de l’apaisement des esprits, que les membres du collectif soient associés à la lutte contre l’immigration clandestine en fournissant des informations aux forces de l’ordre sur le statut administratif supposé de certains habitants de la commune.
Ainsi, selon les autorités publiques, si les reconduites à la frontière relèvent d’une compétence exclusive de l’Etat, leur mise en œuvre peut reposer sur une pratique de délation, marquant ainsi une extension du domaine de la surveillance de tous par tous.
La Ligue des droits de l’Homme et sa section de Mayotte dénoncent la confusion entretenue par les pouvoirs publics entre délinquants et migrants. On sait que, dans le territoire hexagonal, certains, y compris au niveau le plus élevé de l’Etat, promeuvent le dispositif « voisins vigilants ». Voilà qu’à Mayotte, on fait mieux, en étendant ce dispositif jusque-là limité à la sécurité publique, au contrôle des étrangers.
La Ligue des droits de l’Homme, avec sa section de Mayotte, exhorte les pouvoirs publics à refuser l’institutionnalisation de la violence que serait la participation de personnes privées à « la chasse » aux clandestins.
Paris, le 8 mars 2013