Communiqué de la FIDH
La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) condamne fermement la promulgation hier, par le président Museveni, de la loi « anti-homosexualité » en ce qu’elle constitue une violation grave d’un grand nombre de droits de l’Homme et risque d’alimenter la haine contre une partie de la population ougandaise.FIDH – Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme
L’homosexualité était déjà sévèrement pénalisé en Ouganda. Mais cette nouvelle législation criminalise encore davantage les relations homosexuelles entre adulte, prévoyant notamment une peine de prison à vie pour homosexualité, « homosexualité aggravée » et mariage entre personne de même sexe.
La loi prévoit également des peines d’emprisonnement pour « promotion », « enrôlement de jeunes enfants dans l’homosexualité » et pour toute personne dotée d’autorité qui ne dénoncerait pas un acte homosexuel dans les 24 heures. Ces nouvelles dispositions exposent les activistes de la société civile, mais aussi les organisations fournissant soins et services sociaux et juridiques aux personnes LGBTI à des poursuites pénales. Ces dispositions constituent également une violation flagrante des libertés publiques universellement reconnues, notamment du droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion. De plus, cette nouvelle loi entrave sérieusement la capacité des défenseurs des droits de l’homme et des ONG à promouvoir et protéger la santé et les droits sexuels, ainsi qu’à lutter contre la discrimination.
« L’entrée en vigueur de la loi anti-homosexualité est inacceptable », a déclaré Dan Van Raemdonck, secrétaire général de la FIDH. « Outre le fait d’institutionnaliser la discrimination et d’encourager les actes de harcèlement et de violence à l’encontre des personnes LGBTI, cette loi marque une véritable régression en terme de protection des droits et libertés fondamentales de l’ensemble de la population ougandaise », a-t-il ajouté.
Cette loi « anti-homosexualité » ne va pas seulement à l’encontre de la Constitution ougandaise, qui garantit l’égalité et la non discrimination, mais est également contraires aux engagements régionaux et internationaux de l’Ouganda en matière de droits de l’homme, dont notamment ceux contenus dans la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme.
« L’adoption d’une telle loi par Museveni implique que les autorités ougandaises cautionnent les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle et leurs conséquences. Dans un environnement socio-politique où les personnes LGBTI et ceux qui défendent leurs droits sont déjà confrontés à de graves menaces pour leur sécurité, cette promulgation n’est pas un signe de courage politique mais plutôt d’irresponsabilité », a déclaré Karim Lahidji, président de la FIDH.
Les conséquences négatives de l’adoption de cette loi se font déjà ressentir à Kampala. Aujourd’hui, 25 février 2014, un tabloïd local a publié en une, sous le titre « Mis à nu ! », les noms et photos de 200 personnes supposées homosexuelles, ce qui n’est pas sans rappeler la une « Pendez-les! » du journal Rolling Stone en octobre 2010 qui listait les noms, photos et adresses de plusieurs personnes homosexuelles. Le 26 janvier 2011, David Kato, défenseur des droits LGBTI dont le nom avait été cité dans cet article, avait été battu à mort à son domicile.
La FIDH exprime sa vive préoccupation ainsi que tout son soutien à l’ensemble des organisations défendant les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) en Ouganda. La FIDH appelle les autorités à garantir l’intégrité physique et morale de toutes les personnes dont le nom et la photographie ont été publiés par le tabloïd, et plus généralement de tous les défenseurs des droits de l’homme, y compris les défenseurs des droits LGBTI. La FIDH appelle les autorités nationales à immédiatement abroger cette loi discriminatoire afin de se conformer à leurs engagements nationaux, régionaux et internationaux.
Paris, Nairobi, le 25 février 2014