En tant qu’organisations associatives et syndicales, nous n’avons vocation ni à exercer le pouvoir ni à construire des programmes politiques. Il nous revient en revanche, en toute indépendance,
de faire entendre la voix de la société civile ; d’interpeller ceux qui sollicitent les suffrages des citoyens…
Pour lire le Pacte citoyen pour les droits
En tant qu’organisations associatives et syndicales, nous n’avons vocation ni à exercer le pouvoir
ni à construire des programmes politiques. Il nous revient en revanche, en toute indépendance,
de faire entendre la voix de la société civile ; d’interpeller ceux qui sollicitent les
suffrages des citoyens. Car le débat public doit se développer pour construire des réponses
claires, nouvelles, en phase avec les attentes et les revendications dont nous sommes porteurs,
en phase avec l’intérêt général.
Les gouvernants tiennent leur légitimité du suffrage universel. Mais ils n’ont pas reçu mandat
de remettre en cause les libertés, d’organiser la fragmentation sociale, de désigner des
groupes sociaux entiers comme boucs émissaires de l’insécurité. Rien ne peut justifier qu’un
nombre croissant de nos concitoyens se trouvent placés en situation d’illégalité pour vivre, de
travailler dur pour se retrouver menacé par la pauvreté, d’être en situation de risque dès qu’il
s’agit de défendre ses droits.
Or nos droits, nos libertés sont attaqués, fragilisés, remis en cause. Chaque jour un peu plus,
la manière dont le pouvoir est exercé piétine les valeurs républicaines et menace l’effectivité de
la démocratie. La mise en avant de crises bien réelles écologiques, sociales, financières
ne saurait servir d’alibi à la régression des droits.
Nos organisations placent au coeur de l’éthique démocratique les libertés individuelles et collectives,
le respect de l’égalité et l’effectivité des solidarités. C’est pourquoi nous considérons
que le temps est venu de réagir et de construire un nouveau vivre ensemble, un nouveau
contrat citoyen. Il y a urgence.
Lorsque les pouvoirs sont concentrés à l’Elysée, les contre-pouvoirs indépendants affaiblis
voire menacés de disparition (Défenseure des enfants, CNDS, Halde), le dialogue social bousculé
voire réduit à une formalité, le mouvement associatif sommé de souscrire à une logique
marchande d’appels d’offres, les collectivités territoriales menacées d’un retour de la tutelle
(substitution d’office pour imposer la vidéosurveillance)… la démocratie est privée d’oxygène.
Avec la traque des sans papiers, le durcissement incessant des conditions d’accès au séjour,
les tests ADN, la propagande nauséabonde sur le thème de l’« identité nationale » étatisée, les
encouragements à la délation, le ciblage des « délinquants de la solidarité »… une véritable
xénophobie d’Etat défigure la République.
Quand l’injustice fiscale augmente, quand les inégalités scolaires, territoriales, générationnelles
s’accroissent sans cesse, quand les sacrifices demandés aux uns contrastent avec les
privilèges affichés par les autres, se crée une situation invivable, lourde d’injustices et de périls.
L’égalité est en jachère.
Le fichage de dizaines de millions de citoyens, les interconnexions qui se multiplient, la systématisation
du recours à la vidéosurveillance, le développement des techniques de traçage
tissent une société de la surveillance et du soupçon. La justice est soumise à des pressions
croissantes ; les missions de la police sont dévoyées, instrumentalisées à des fins très éloignées
de nos principes républicains. Bien trop éloignées… Les libertés sont en danger.
Par un jeu de « réformes » successives les services publics sont mis en pièces ; la fonction
publique n’est évoquée qu’au travers de son « coût » ; la loi sur le logement social est impunément
violée et les bases de notre pacte social sont livrées à un véritable travail de sape :
protection sociale, retraites, cohésion territoriale sont en ligne de mire… Les solidarités sont
à l’encan.
Il est temps de penser autrement, de faire autrement, d’ouvrir des perspectives nouvelles.
Contre les prétendues fatalités, nous choisissons l’espoir.
Nous proposons aujourd’hui
un « Pacte pour les droits et la citoyenneté »
Un tel pacte doit se construire dans le temps long du débat démocratique et sur une base solide et
partagée. C’est pourquoi nous affirmons ensemble les orientations fondamentales suivantes :
– La démocratie suppose la séparation des pouvoirs et le contrôle citoyen des gouvernants :
nous demandons le respect des attributions constitutionnelles du Parlement, du gouvernement et des
autorités juridictionnelles, des garanties d’indépendance réelle et de moyens d’action suffisants pour
les Autorités indépendantes.
– La vie privée et les libertés doivent être protégées contre l’envahissement du contrôle social
et le risque d’une surveillance généralisée : nous demandons que le fichage généralisé et les
interconnexions de fichiers soient proscrites, que la loi encadre les fichiers de police, que les technologies
de surveillance, de fichage et de traçage soit sous contrôle effectif d’Autorités indépendantes.
– La justice doit être indépendante et équitable, la police au service de la sûreté de tous : nous
demandons la suppression des juridictions d’exception et des régimes d’exception dans la procédure
pénale, le rétablissement de la spécificité de la justice des mineurs dans l’esprit de l’ordonnance de
1945 ; la garantie de l’indépendance de l’instruction pénale à l’égard du pouvoir politique, le respect
de la jurisprudence européenne sur la garde à vue ; l’application des « règles pénitentiaires » du
Conseil de l’Europe et la priorité aux alternatives à la prison ; la fin des contrôles au faciès, de l’emploi
militarisé des forces de police, la sanction des violences policières et la création d’une police de
proximité respectueuse des droits de tous les citoyens.
– La République est fraternelle et égale : nous demandons la garantie de l’égalité face au racisme,
au sexisme et aux discriminations ; l’interdiction de tout enregistrement dans les fichiers administratifs
ou de gestion de données personnelles relatives aux « origines géographiques » ; l’engagement
pour la « mixité des droits » et contre les inégalités de genres ; l’abrogation des lois xénophobes, la
fin de la chasse aux sans papiers et le respect de l’« accueil inconditionnel » excluant tout « délit de
solidarité ».
– « Vivre ensemble » repose sur l’effectivité des droits sociaux, des solidarités : nous demandons
que cesse la mise en concurrence de tous avec tous et que des « politiques de droit commun » assurent
l’accès de tous aux droits de tous. Les services publics doivent être défendus et modernisés ; l’égalité
devant l’impôt et les contributions sociales doit être rétablie ; l’Etat doit assumer sa responsabilité de
garant des droits à l’éducation, au logement, aux soins et à la protection contre les risques sociaux.
Le droit du travail doit pouvoir relever les défis de la précarité et de l’insécurité sociale ; la protection
des salariés doit pouvoir s’appuyer sur une sécurisation des parcours professionnels, sur un véritable
statut du travail salarié ; le syndicalisme doit pouvoir vivre et se développer, singulièrement dans les
petites entreprises, sans avoir à craindre harcèlement, discriminations ni criminalisation du mouvement
social.
Nos organisations expriment un vaste champ de préoccupations et d’expertises, chacune avec son
identité et sa part propre de responsabilités. Elles le font dans les limites de leur personnalité et de
leur mandat tout en partageant la démarche d’ensemble.
Cette convergence est au coeur de notre Pacte. Elle lui permet de faire vivre les valeurs dans
lesquelles nos organisations se reconnaissent et qu’elles font vivre au quotidien. Pour lui donner
un contenu concret, tangible et quotidien, aux orientations que nous partageons s’ajoutent des
propositions concrètes que porteront plus particulièrement certaines de nos organisations.
Elles concerneront :
– la démocratie
– la protection de la vie privée et des données personnelles
– les droits et libertés face à la justice, à la police et au système pénitentiaire
– la lutte contre la xénophobie, le racisme, le sexisme et les discriminations
– l’égalité sociale et les solidarités.
A travers ce pacte proposé à la société française, nos organisations revendiquent une conception
du Politique qui place au coeur de l’éthique démocratique la garantie des libertés individuelles et
collectives, la lutte contre les inégalités et la construction de nouvelles solidarités. C’est sur cette
base qu’elles interpellent les responsables politiques et leur demandent de débattre et s’engager
clairement. Afin d’éclairer les choix des citoyens.
Avec eux, avec tous, il nous revient de construire les réponses, nos réponses. L’avenir et
l’espoir n’appartiennent à personne et ne sont pas écrits à l’avance.
Les choix qui sont devant nous
sont l’affaire de tous. C’est à elles, à eux, à nous, tous ensemble qu’il revient de faire vivre le pacte
passé entre la République et les citoyens.
Organisations rassemblées autour
du « Pacte pour les droits et la citoyenneté » :
AC ! Agir contre le chômage et la précarité ; A.M.I-handicap ; Les Amoureux au ban public ; Association de
promotion des cultures et du voyage (APCV) ; Association pour la taxation des transactions financières et
pour l’action citoyenne (Attac) ; Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF) ; Coordination
des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception (Cadac) ; Collectif des accidentés du
travail, handicapés et retraités pour l’égalité des droits (Catred) ; Centre d’études et d’initiatives de
solidarité internationale (Cedetim) ; Centres d’entrainement aux méthodes d’éducation active (Céméa) ;
Confédération générale du travail (CGT) ; Collectif national pour les droits des femmes (CNDF) ; Comité
Idaho (International Day Against Homophobia and Transphobia) ; Comité inter-mouvements auprès des évacués
(Cimade) ; Confédération nationale du logement ; Confédération paysanne ; Confédération syndicale des
familles (CSF) ; Conseil national des associations familiales laïques (Cnafal) ; Coordination européenne
pour le droit des étrangers à vivre en famille ; Droit au logement (Dal) ; Fédération des associations
réflexion, action, prison, et justice (Farapej) ; Fédération des associations de solidarité avec les
travailleur-euse-s immigré-e-s (Fasti) ; Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques
(FCPE) ; Fédération française des motards en colère (FFMC) ; Fédérations des Tunisiens pour une citoyenneté
des deux rives (FTCR) ; Fédération nationales des déportés et internés, résistants et patriotes
(FNDIRP) ; Fédération syndicale unitaire (FSU) ; France terre d’asile ; Fondation Copernic ; Groupe
d’information et de soutien des immigrés (Gisti) ; Imaginons un réseau Internet solidaire (Iris) ; Ligue
des droits de l’Homme (LDH) ; Ligue de l’enseignement ; Marches européennes contre le chômage, la précarité
et les exclusions ; La mutuelle des étudiants (LMDE) ; Mouvement contre le racisme et pour l’amitié
entre les peuples (Mrap) ; Mouvement de la paix ; Syndicat national des enseignants du second degré
(Snes-FSU) ; Syndicat national de l’enseignement supérieur (Snesup-FSU) ; Observatoire international des
prisons (OIP) ; Opération villages roumains France (OVR France) ; Le planning familial ; Syndicat national
des journalistes (SNJ-CGT) ; Syndicat des avocats de France (Saf) ; Syndicat de la magistrature ;
Terre des Hommes France ; Union juive française pour la paix (UJFP) ; Union nationale des étudiants de
France (Unef) ; Union syndicale Solidaires ; Union nationale lycéenne (UNL)…
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Pacte citoyen pour les droits