Il n’y a rien à redire sur la tribune publiée dans le monde sous la signature de 75 députés socialistes en faveur du droit de vote des résidents étrangers aux élections locales. Tout y est !La volonté de tenir parole, de concrétiser la 50e proposition du candidat François Hollande, le rappel d’une attente profonde au sein de l’opinion publique française, la portée d’une mesure élargissant le corps électoral et, avec lui, l’exercice de la démocratie. Politique, ce texte pointe aussi la nécessité de faire pièce aux ardeurs nationalistes et souvent xénophobes des droites en mal de revanche et insiste sur le fait que le temps n’est pas forcément le meilleur allié des réformes audacieuses.
Cette initiative est importante ; ce n’est pas tous les jours que tant de députés décident de parler d’une même voix et de taper du même poing sur la table. Elle vaut aussi alerte ; car nombre de députés – socialistes ou d’autres obédiences – ont d’évidence, oublié de signer ce texte. Peut-être n’en ont-ils pas été saisis ? Si c’est le cas – et comment le savoir sans le leur demander ?- il faut, toutes affaires cessantes, leur poser la question. Et leur demander d’y répondre, sous une forme ou une autre…
Car cette tribune exceptionnelle signe une inquiétude, celle du renoncement, enrobé d’un silence honteux. Ce n’est pas insulter l’avenir, ni ceux qui l’ont en charge, que de tirer cette sonnette d’alarme. On aimerait que le gouvernement témoigne dans cette affaire d’un niveau de mobilisation et de pugnacité équivalent à celui dont les droites font preuve. Veut-on arrondir les angles ? On risque au mieux d’arrondir les échines alors même qu’il faudrait les redresser, et les têtes avec elles. Faire dos rond n’est ni une perspective ni une stratégie là où il faut courage et esprit de décision. Il suffit pour s’en convaincre de lire la charge violente du Monde qui, après avoir en titre éditorial, qualifié la tribune par lui publié de « chiffon rouge », dresse un acte d’accusation d’une rare violence contre les députés coupables d’exercer leur droit d’expression et ramenés, excusez du peu, au rang de galopins irresponsables offrant « un parfait cheval de bataille à la droite ».
Le Monde a évidemment parfaitement le droit de choisir son camp en cette affaire ; mais cette façon de ramener d’éminents enjeux démocratiques à de calculs de simple opportunité n’honore pas la démocratie. Elle tente de faire passer l’immobilisme pour une stratégie de mouvement et le refus de l’affrontement pour le pinacle du courage politique. Ce faisant elle nous offre, comme en concentré, la formule chimiquement parfaite de la défaite de la pensée, celle là même qui prépare toutes les autres.
Il faut, à un moment, affirmer que l’on n’a pas tort d’avoir raison. Si le vote des résidents étrangers est bon pour la démocratie, s’il est bon pour nos villes et nos territoires, s’il est bon pour le vivre ensemble, il faut le faire vivre. Et si c’est là agiter un chiffon rouge, ma foi… Agitons le sans relâche.