Par Nadia Doghramadjian, vice-présidente de la LDH
Les « contrôles au faciès » continuent d’alimenter la dégradation des rapports entre la police et de nombreux citoyens. Notre combat pour en modifier le cadre réglementaire continue, avec deux récents rebondissements : le procès en appel de treize personnes qui ont porté plainte contre l’État et la publication des observations du nouveau Défenseur des droits (DDD).
En 2012, treize personnes appartenant à une minorité dite « visible » et qui estimaient avoir été contrôlées abusivement avaient porté plainte contre l’État. Elles avaient été déboutées le 2 octobre 2012, car d’après le ministère public il n’y avait aucune preuve d’un comportement discriminatoire des forces de l’ordre, les contrôles d’identité ayant été faits dans le cadre « des prescriptions légales ». De fait, les textes actuels permettent aux forces de l’ordre de contrôler qui ils veulent sans avoir à se fonder sur un critère objectif.
Ces treize personnes ont fait appel, et le procès a eu lieu le 9 février dernier. A cette occasion, le Défenseur des droits a présenté des observations devant la cour d’appel de Paris en se fondant sur les réclamations individuelles qu’il a reçues, sur les différents travaux qu’il a pu mener ainsi que sur le droit européen. Il cite aussi les avis de la Commission nationale des droits de l’Homme (CNCDH) et de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), rattachée depuis 2011 au DDD.
Il relève que, dans les circonstances actuelles, de nombreux contrôles d’identité posent problème. La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) et l’Agence des droits fondamentaux de l’UE (FRA) ont déjà dénoncé le profilage ethnique en France. Or Il est de l’obligation des autorités françaises de traiter toute personne suivant le principe d’égalité : c’est dans la Constitution. Pour éviter les pratiques discriminatoires, il propose un meilleur encadrement des dispositifs sur le plan juridique pour que ces contrôles aient une base objective. Il dénonce aussi le manque de traçabilité des contrôles d’identité car, dans la situation actuelle, sauf en cas de garde à vue ou de vérification d’identité, il n’y a pas de trace écrite, et ainsi toute vérification des motifs et de la façon dont il a été procédé est rendue difficile, voire impossible, et ne permet donc aucune contestation. Si ces recommandations sont positives, plusieurs organisations regrettent que le DDD n’appelle pas à une réforme de l’article 78-2 du Code pénal.
Faut-il rappeler que, lors de sa campagne, François Hollande s’était engagé à se saisir de cette question et à mettre en place « une procédure respectueuse des citoyens » ? Force est de constater que, jusqu’à présent, ces déclarations sont restées sans effet.
Liens :
– Communiqué de presse des 8, 16 octobre 2012, à la suite de la publication du rapport du Défenseur des droits et la nécessité de réformer le cadre des contrôles d’identité.