Communiqué du Collectif délinquants solidaires
Procès d’habitants de la vallée de la Roya « coupables » d’être venus en aide à des réfugié⋅e⋅s, avec la menace de lourdes sanctions. Mesures d’intimidation, poursuites – et parfois condamnations – de personnes ayant agi en soutien de migrant⋅e⋅s ou de Roms, à Calais, à Paris, à Norrent-Fontes, à Boulogne, à Loos, à Perpignan, à St-Etienne, à Meaux… On assiste depuis plusieurs mois à la recrudescence de cas où la solidarité est tenue pour un délit.
Il est clair que les autorités entendent faire plier les citoyennes et les citoyens qui n’adhèrent pas aux politiques de non accueil et de mise à l’écart des migrants, et qu’elles n’hésitent pas pour cela à les assimiler à ceux qui profitent de la vulnérabilité des exilé⋅e⋅s et les exploitent, passeurs et trafiquants en tout genre.
100 organisations associatives ou syndicales, nationales ou locales, publient un manifeste par lequel elles entendent dénoncer ces procédés. Dans les semaines qui viennent, elles mettront en œuvre toutes sortes d’actions afin que soient préservés le droit de regard, le droit de critique, le droit de s’opposer à des politiques qu’on désapprouve, le droit de se conduire autrement qu’en agent de politiques de fermeture : le droit d’agir en toute humanité.
12 janvier 2017
A télécharger :
– Manifeste – La solidarité, plus que jamais un délit ?
– Les premiers signataires du manifeste
– Différents moyens de participer à la mobilisation du collectif
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Manifeste : La solidarité, plus que jamais un délit ?
janvier 2017
Bien sûr, la solidarité n’a jamais été inscrite dans aucun code comme un délit.
Cependant, des militants associatifs qui ne font que venir en aide à des personnes en situation de très grande précarité, victimes de décisions dangereuses, violentes, voire inhumaines, se retrouvent aujourd’hui face à la justice.
Avec l’instauration de l’état d’urgence, et dans le contexte baptisé « crise migratoire », on assiste à une recrudescence de poursuites visant à empêcher l’expression de la solidarité envers migrants, réfugiés, Roms, sans-papiers… Au-delà, c’est le soutien à l’ensemble des personnes étrangères qui tend à devenir suspect, l’expression de la contestation des politiques menées qui est assimilée à de la rébellion et au trouble à l’ordre public.
La loi permet en effet de poursuivre les personnes qui viennent en aide aux « sans-papiers »[1], mais toutes sortes d’autres chefs d’accusation servent désormais à entraver toute action citoyenne qui s’oppose aux politiques mises en œuvre. L’ensemble de ces intimidations, poursuites, condamnations parfois, visent donc bien en fait ce qui constitue de nouvelles formes du « délit de solidarité ».
Dès 2009, les associations de défense des droits de l’Homme et de soutien aux étrangers avaient dénoncé le fait que le délit d’« aide à l’entrée, à la circulation et au séjour des étrangers en situation irrégulière », introduit à l’origine pour lutter contre ceux qui font commerce du trafic et de l’exploitation des étrangers, ait permis au fil du temps de sanctionner les « aidants » d’étrangers sans papiers, même agissant dans un but non lucratif. Si les peines prévues ne sont pas toujours appliquées, une telle réglementation a bien sûr un effet dissuasif sur celles et ceux qui refusent de se soumettre à des politiques hostiles aux étrangers.
La mobilisation associative, à l’époque, a abouti à plusieurs réformes successives, dont celle du 31 décembre 2012 qui a été présentée comme la « suppression » du délit de solidarité. Il n’en est rien ; la nouvelle rédaction des textes se contente de préciser et augmenter les cas d’exemption de poursuites. Outre l’aide apportée à des parents, est autorisée l’aide qui aura seulement visé à « assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger » ou à « préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci ». Malgré tout, des personnes ayant manifesté leur solidarité avec des étrangers sans titre de séjour continuent d’être inquiétées – convocations à la police ou à la gendarmerie, gardes à vue, perquisitions, écoutes téléphoniques – voire poursuivies et parfois punies d’amende et emprisonnement.
Dans le même temps, des poursuites ont commencé d’être menées sur la base de textes sans rapport avec l’immigration.
- Les délits d’outrage, d’injure et de diffamation, de rébellion ou violences à agent de la force publique sont utilisés pour défendre l’administration et la police contre celles et ceux qui critiquent leurs pratiques ;
- Le délit d’« entrave à la circulation d’un aéronef », qui figure dans le code de l’aviation civile, permet de réprimer les passagers qui, voyant des personnes ligotées et bâillonnées dans un avion, protestent contre la violence des expulsions ;
- La réglementation qui sanctionne l’emploi d’un travailleur étranger sans autorisation de travail a servi à inquiéter des personnes qui, hébergeant des étrangers en situation irrégulière, acceptent que leurs hôtes les aident à effectuer des tâches domestiques.
Aujourd’hui, les motifs des poursuites se diversifient toujours plus. Tandis que les poursuites pour aide à l’entrée et au séjour ont repris de plus belle, de nouveaux chefs d’accusation sont utilisés pour condamner les actions solidaires :
- La réglementation en matière d’urbanisme a été invoquée à Norrent-Fontes (Pas-de-Calais) pour demander la destruction d’abris pour migrants ;
- Des textes sur l’hygiène ou la sécurité applicables à des locaux ont servi à empêcher des hébergements solidaires à St-Etienne ;
- L’absence de ceinture de sécurité et d’un siège pour une fillette à bord d’un camion a permis la condamnation d’un aidant à Calais ;
- L’intrusion dans des zones particulières, interdites pour cause d’état d’urgence, a été utilisée, à Calais également, pour sanctionner le regard citoyen ;
- Le délit de faux et usage de faux est utilisé pour intimider des personnes qui ont voulu attester de la présence depuis plus de 48h de personnes dans un squat à Clichy ;
- etc…
Et, de plus en plus, le simple fait d’avoir voulu être témoin d’opérations de police, d’expulsions de bidonvilles, de rafles, peut conduire à une arrestation, sous couvert de rébellion ou de violences à agent.
Ces procédés d’intimidation doivent cesser. Nous affirmons la légitimité du droit de regard des citoyens et des citoyennes sur les pratiques de l’administration, de la justice ou de la police. Nous voulons que soient encouragé·e·s celles et ceux qui se montrent solidaires des personnes en situation de précarité sans se soucier de savoir si elles sont ou non en situation régulière quant au séjour. Nous refusons que les populations visées par des politiques ou des pratiques xénophobes soient privées de soutien. C’est l’avenir du principe même de solidarité qui est en jeu.
[1] Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), articles L.622-1 et suivants
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Premières organisations signataires :
Associations nationales
Acort (Assemblée citoyenne des originaires de Turquie)
ADDE (Avocats pour la défense des droits des étrangers)
ADMIE (Association pour la Défense des Mineurs Isolés Etrangers)
AFVS (Association des familles victimes du saturnisme)
Amoureux au ban public (Les)
Attac France
Catred (Collectif des accidentés du travail, handicapés et retraités pour l’égalité des droits)
Cedetim/Ipam (Centre d’études et d’initiatives de solidarité internationale)
Ceras (Centre de recherche et d’action sociales)
Cnafal (Conseil national des associations familiales laïques)
Collectif National Droits de l’Homme Romeurope
Collectif Ni Guerres Ni État de Guerre
Comede (Comité pour la santé des exilés)
Comegas (Collectif des médecins généralistes pour l’accès aux soins)
Copaf (Collectif pour l’avenir des foyers)
Culture et Liberté
Emmaüs France
Fasti (Fédération des associations de solidarité avec tou-te-s les immigré-e-s)
Fédération Entraide Protestante
Fnars (Fédération des acteurs de la solidarité)
Fondation Abbé Pierre
FTCR (Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives)
Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigré·e·s)
Jesuit Refugee Service (JRS) France
La Cimade
LDH (Ligue des droits de l’Homme)
Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples)
RESF (Réseau Éducation Sans Frontières)
Revivre (association de soutien aux demandeurs d’asile, réfugiés syriens et prisonniers politiques en Syrie)
Secours Catholique
UJFP (Union juive française pour la paix)
Utopia 56
Associations locales
- Auvergne-Rhône-Alpes
RESF 03 (Allier)
RESF 43 (Haute-Loire)
RESF 63 (Puy-de-Dôme)
- Bourgogne-Franche-Comté
Collectif Creusot-Autun des Droits de l’Homme
Les Amis du CADA (Digoin, Saône-et-Loire)
- Centre-Val-de-Loire
La Cimade – groupe local de Blois
- Hauts-de-France
ACC Minorités visibles (Dunkerque)
Adra Dunkerque
Arras Solidarité réfugiés
Attac Artois
Auberge des Migrants (L’)
Care4Calais
Collectif de soutien à Jean Luc Munro
Équipe de soutien juridique de Dunkerque
Flandres Terre solidaire
Fraternité Migrants Bassin Minier 62
La Cabane juridique / Legal Shelter
La Fraternité (Bruay-la-Buissière)
Le Réveil Voyageur
Mrap Dunkerque
Planning familial Pas-de-Calais
Salam Nord/Pas-de-Calais
Terre d’errance
Terre d’errance Flandres littoral
- Île-de-France
ASEFRR (Association Solidarité Essonne Familles Roumaines et Rroms)
Aset 93 (Association d’aide à la scolarisation des enfants Tsiganes)
Assemblée citoyenne du 14ème
Collectif de Vigilance Paris12 pour les droits des étrangers-RESF
Collectif Romeurope du Val Maubuée
Collectif de soutien 5è-13è aux migrants d’Austerlitz
Ecodrom 93
Hors la Rue
Inter-Collectif Parisien de Soutien aux Migrant-es
La Chapelle debout
Observatoire Citoyen du CRA de Palaiseau
Paris d’exil
RESF 93
Romeurope 94
Solidarité migrants Wilson
Turbulences Marne-La-Vallée
- Normandie
Itinérance Dieppe
Itinérance Cherbourg
- Occitanie
Cercle des Voisins du CRA de Cornebarrieu (Haute-Garonne)
Planning familial 48 (Lozère)
- PACA
Association pour la démocratie à Nice
Beaux repères (Avignon)
Collectif Agir à Aix-en-Provence pour l’accueil des migrants en pays d’Aix
Comité de Vigilance des Alpes Maritimes (COVIAM)
Habitat et citoyenneté (Nice)
MRAP Vaucluse
Roya citoyenne (La)
Tous migrants (Marseille)
Organisations syndicales
Émancipation tendance intersyndicale
Fédération Solidaires Étudiant-e-s
FERC CGT (Fédération de l’Éducation, de la Recherche et de la Culture)
SAF (Syndicat des avocats de France)
SGLCE-CGT (Syndicat Général du Livre et de la Communication Écrite CGT)
SNUipp-FSU(Syndicat national unitaire des instituteurs et professeurs des écoles et PEGC)
SNPES-PJJ-FSU(Syndicat National des Personnels de L’Éducation et du Social)
Solidaires Étudiant-e-s
SUD Collectivités territoriales
SUD Éducation
SUD Industrie Francilien
SUD Logement social
SUD Santé Sociaux
Syndicat de la Magistrature
Union départementale Solidaires Pas-de-Calais
Union syndicale Solidaires
Avec le soutien des organisations politiques :
Alternative Libertaire
EELV (Europe Écologie Les Verts)
OCL (Organisation communiste libertaire)
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Différents moyens de participer à la mobilisation du collectif
Apporter la signature d’une organisation (association, syndicat, collectif)
Rejoindre le collectif (à partir du 13 janvier) contact@delinquantssolidaires.org
Participer à la journée d’action le jeudi 9 février 2017
Rassemblements, prises de parole, formation de chaînes humaines
pour proclamer que nous sommes tous « délinquants » et solidaire des étrangers…
À Paris, un rassemblement sera organisé à 10 heures – le lieu, le type d’action et les intervenants seront précisés ultérieurement.
Être tenu⋅e au courant de l’activité du collectif
Demander à être abonné⋅e à la liste de diffusion http://listes.rezo.net/mailman/listinfo/delinquants-solidaires-info
Contribuer à la mobilisation, diffuser de l’info, des textes et photos d’actions de protestation
#DélinquantsSolidaires
en ciblant les messages (par ex. @Place_Beauvau ou @justice_gouv…)
« Si la solidarité avec les étrangers est un délit, alors je suis un⋅e délinquant⋅e »
S’informer des cas de poursuites passés et en cours
Voir dossier à <www.gisti.org/delits-de-solidarite>
Faire connaître au collectif des cas relevant, directement ou indirectement, du délit de solidarité
Écrire à <contact-delit-de-solidarite@gisti.org>
Attention :
Il faut que l’intéressé⋅e soit d’accord pour que son cas soit mis en ligne, même anonymisé (de fait l’anonymat n’empêche pas de savoir de qui il s’agit…) ou bien que l’affaire ait déjà été médiatisée.
Les faits essentiels doivent être présentés (circonstances, garde à vue, comparution, décisions…) et avérés. Joindre si possible tout document officiel.