Par Michel Miné, membre du Bureau de la LDH
Les salariés lanceurs d’alerte refusent de cautionner des pratiques contraires à leur éthique professionnelle. Ils le font au risque de leur carrière, de leur emploi, de leur vie personnelle. Pourtant, l’ampleur des affaires qu’ils ont révélées en France et dans le monde démontre l’utilité de leur démarche pour l’intérêt général et la démocratie.
La LDH se félicite de deux décisions de justice récentes qui donnent gain de cause à deux salariés lanceurs d’alerte et valident ainsi leurs actions civiques courageuses :
- Jugement du conseil de prud’hommes de Paris, encadrement, départage, 5 mars 2015, Mme Stéphanie Gibaud c/ Sté UBS France : dans cette affaire, la salariée avait lancé une alerte concernant une évasion fiscale d’ampleur ; l’employeur avait engagé des mesures de représailles ; la salariée obtient condamnation de l’employeur pour les actes de « harcèlement moral » qu’il a mis en œuvre à son encontre et obtient des dommages-intérêts en réparation des préjudices subis ;
- Jugement du conseil de prud’hommes de Paris, départage, 5 mars 2015, M. James Dunne c/ Sté Qosmos : dans cette affaire, le salarié avait dénoncé les activités de l’entreprise et ses collaborations avec des régimes autoritaires (projet de vente de matériel de surveillance au régime syrien, notamment) ; en réparation des mesures de rétorsion engagée par l’employeur, il obtient également des dommages-intérêts en réparation des préjudices subis.
Cependant, le résultat judiciaire n’est pas satisfaisant quant au caractère insuffisant des réparations obtenues par ces deux salariés, qui ont perdu leur emploi et ont subi des représailles pendant plusieurs années, dégradant leur état de santé et leurs vies personnelles et familiales.
La LDH recherche les meilleurs moyens de garantir aux salariés lanceurs d’alerte des droits concrets et effectifs lors de leurs actions (notamment par un accompagnement juridique, financier et psychologique) et au-delà (pour la préservation de leur avenir professionnel). Dans ce cadre, la LDH, avec d’autres organisations, participe à plusieurs colloques (le premier le 4 février à l’Assemblée nationale, avec Transparency International France et Sciences citoyennes, le deuxième le 3 avril) et meetings (le 3 mars à la Bourse du travail de Paris, notamment avec des organisations syndicales). Il s’agit d’unifier le droit qui permet des alertes dans différents domaines (notamment financier et fiscal, mais également santé publique et environnement, discriminations – y compris harcèlements –, santé et sécurité au travail), mais qui mériterait d’être complété sur de nombreux points, en particulier pour mieux sécuriser la situation des salariés lanceurs d’alerte. La LDH réfléchit également avec plusieurs organisations à la pertinence de la création d’une « Maison des lanceurs d’alerte ».
La LDH est vigilante sur les risques de régression du droit : un amendement destiné à préserver le « secret des affaires » (non défini) prévu dans le cadre de la loi « Croissance et activité » (Macron) a été retiré à la suite de la mobilisation ; cependant, un projet de directive européenne poursuit les mêmes objectifs.