Nous, Syriens qui avons échappé à la mort ou à l’emprisonnement par le plus grand des hasards, il ne nous a pas été donné d’échapper à l’épreuve de la perte de membres de nos familles, de proches et d’amis ou de leur disparition dans les lieux de détention [en Syrie].
Les Syriens qui se sont soulevés pour obtenir leurs droits politiques qui leur sont refusés depuis des décennies ressentent aujourd’hui, après cinq années d’enfer, que le monde entier s’est ligué contre eux pour les briser : tantôt à coups de vetos au Conseil de Sécurité de l’Onu, tantôt du fait des regards détournés pour ne pas voir les crimes de guerre qui sont perpétrés en Syrie, tantôt au travers de l’échange du sang des Syriens contre des intérêts politiques – le résultat de tout cela étant que le peuple syrien subit le malheur jusqu’à ce jour, après avoir perdu plus d’un demi-million de ses enfants.
S’il est impossible pour nous de faire quelque chose pour ceux qui sont morts, il est de notre devoir humain et moral d’aider les dizaines de milliers de Syriens et de Syriennes, retenus prisonniers ou pris en otages par des forces maléfiques toujours plus nombreuses, dont chacune viole la liberté et la dignité des Syriens autant que leur position de force sur le terrain leur permet de le faire.
Nous ne parlons pas ici seulement de prisonniers (dont des femmes et des enfants) privés de liberté, mais bien de milliers de personnes disparues ou enlevées dont personne ne sait ce qu’elles sont devenues, et aussi de milliers de personnes arrêtées livrées à une mort certaine – de faim, de maladie ou du fait de tortures systématiques –, ce qui relève des crimes contre l’humanité qualifiés par l’article 7 du Statut de Rome du 17 juillet 1998. Ce dont nous parlons, c’est d’une catastrophe humaine d’ampleur mondiale, d’une catastrophe humaine dont les Syriens ne sauraient être tenus pour seuls responsables, mais à laquelle contribue le monde entier (et pas seulement ses deux principaux pôles, la Russie et les États-Unis).
Ce ne sont pas les Syriens qui fabriquent les avions de guerre qui les tuent, ni les armes lourdes qui les massacrent. Il y a une responsabilité internationale dans la poursuite de la captivité des personnes arrêtées et enlevées détenues dans toutes les régions de la Syrie tant par des seigneurs de guerre que – et surtout – par le régime syrien lui-même devenu un seigneur de guerre – au nom d’un État qui a toujours son siège à l’Onu bien qu’il viole en permanence l’article 12 de sa Résolution 2254 (adoptée en 2015).
Que faut-il encore à la conscience du monde pour qu’elle se réveille enfin au spectacle de la tragédie qui se déroule dans notre pays ? Les images horribles qui ont été diffusées dans le monde entier montrant des Syriens morts de faim, de maladie ou sous la torture ne suffisent-elles pas pour que le monde dise enfin : « Trop, c’est trop ! » ?
Nous appelons la communauté internationale, les organisations mondiales de protection des droits humains, les instances de la société civile et tous ceux et celles qui sont conscients de la responsabilité qui découle de leur appartenance au genre humain à s’unir face à tous ceux qui perpètrent des crimes contre l’humanité en Syrie. Nous exhortons en particulier la Russie et les États-Unis à faire respecter et à faire mettre en œuvre le principe de la responsabilité en matière de protection des civils que le Conseil de Sécurité de l’Onu a décrété par sa Résolution 1894 (du 11 novembre 2009) et à œuvrer sans délai à former un groupe de travail international chargé de trouver une solution au problème des personnes emprisonnées et des personnes enlevées en Syrie.
Une manifestation sera organisée le 11 juin, à 17h, place de Bastille, à Paris.