En Essonne un ensemble de partenaires (services de l’Etat, procureur de la République, collectivités territoriales, entreprises et organismes publics) a signé le 6 décembre 2016 une charte afin de lutter contre les implantations illégales de caravanes, de résidences mobiles, de mobil-homes, de baraques et de constructions. La mise en œuvre de cette charte ne peut qu’inquiéter.
Comment ne pas craindre une « chasse aux sorcières » conduisant à des poursuites massives et quasi systématiques contre une catégorie particulière d’habitants ?
Les associations signataires accompagnent des personnes souvent vulnérables économiquement et/ou du fait d’un mode d’habitat différent. Leur éthique appelle, en toutes circonstances, au respect des droits fondamentaux de ces personnes et de la légalité par tous. Ainsi s’impose une vigilance forte sur la prise en compte du principe de proportionnalité maintes fois rappelé par la jurisprudence européenne et nationale. En application de celle-ci, il faut mettre en balance les règles d’urbanisme et/ou de propriété au regard du droit à la vie privée, familiale et du domicile, tout en tenant compte des besoins en habitat spécifique pour certaines populations.
Les associations signataires rappellent qu’en Essonne les difficultés d’habitat ainsi que leurs conséquences sont connues de longue date puisque les premières études remontent aux années 1980, jusqu’à la mise en œuvre en 2011 d’un observatoire de l’habitat des gens du voyage par l’État et le conseil départemental. Ont été recensés 1025 terrains sur lesquels vivent des gens du voyage sur 86 communes, en moyenne depuis dix-neuf ans (les plus anciennes datent de 1950) et en majorité en secteur à urbaniser (10 %) et urbains (42 %). Seulement 40 % des terrains sont raccordés à l’eau, à l’électricité et à l’assainissement ! Les installations en secteur agricole (16 %) et naturel (32 %) sont plus récentes et en essor car des ménages décohabitant, et ayant toujours vécu dans le département, ne trouvent pas d’autres solutions faute de moyens.
C’est pourquoi les associations signataires dénoncent cette charte qui vise à sanctionner et criminaliser des personnes vivant de manière permanente dans des caravanes, des baraques, des mobil-homes sur des terrains non prévus à cet effet, faute d’accès à un logement ou à un habitat adapté à leurs besoins. Elles la dénoncent aussi parce qu’aucune solution alternative n’est apportée, malgré une connaissance ancienne et importante des besoins dans ce département. Elles la dénoncent enfin quand le code de l’urbanisme n’est pas respecté par les collectivités, ceci mettant également en défaut le rôle de l’Etat quant au contrôle de légalité des documents d’urbanisme. Cette forme de discrimination dissimulée à l’égard de certains publics se traduit par l’interdiction d’implanter des résidences mobiles sur les terrains privés et par l’ignorance des situations de fait, souvent anciennes, dans les diagnostics et les règlements. Une autre conséquence de cette discrimination est l’absence de planification et de programmation, indépendamment des aires d’accueil, d’une offre publique adaptée au mode d’habitat en caravane aujourd’hui pour les familles en cause, demain pour les générations qui suivront.
Les associations estiment que la mise en oeuvre de cette charte ne participe qu’à accroître les difficultés de milliers de ménages essonniens. Cela risque fortement d’aggraver, pour les uns, l’indignité des conditions de vie sur leurs terrains lorsque des ménages se voient refuser l’accès aux besoins fondamentaux que sont l’eau et l’électricité. Pour les autres, elle conduira à la
mise à la rue de familles enracinées sur un territoire qui seront victimes d’expulsions et d’évacuations régulières car contraintes à l’errance. Elles rappellent, pour ces situations, l’existence d’une autre charte consignant les droits des personnes mais également les obligations de l’ensemble des acteurs dans le cadre d’occupation sans titre de terrains.
C’est pourquoi, nous nous engageons à dénoncer chaque situation individuelle ayant pour conséquence une dégradation des conditions de vie familiale et à défendre le respect des droits des personnes. Nous attendons que des dispositifs efficaces, associant l’ensemble des acteurs du territoire, soient mis en œuvre pour répondre au droit à un habitat digne et adapté à tous les modes d’habitat dans le département.
Paris, le 10 avril
Vous aussi, signez la pétition !
Associations signataires : Association départementale Gens du voyage de l’Essonne (ADGVE), AGP, Aumônier nation des Gitans et Gens du voyage catholique, Association nationale des Gens du voyage citoyens (ANGVC), Association protestante des amis des Tziganes, Association de solidarité en Essonne familles roumaines et Rroms (Asefrr), Association sociale nationale internationale tzigane (Asnit), Asav, Centres sociaux, Collectif national des associations de citoyens itinérants (Cnaci), Collectif internement Essonne, Collectif national droits de l’homme Romeurope, Fédération des associations et des acteurs pour la promotion et l’insertion par le logement (Fapil), Fédération entraide protestante (FEP), Fédération protestante de France, Fédération des acteurs de la solidarité (Fnar), Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et les Gens du voyage (Fnasat gens du voyage), Ligue des droits de l’Homme, Fondation Abbé Pierre, France liberté voyage, Halem, La vie du voyage, Relier, Solidarités nouvelles pour le logement Essonne, Syndicat de la magistrature, Ufat, Uriopss.