Le 11 mars 2025, la Cnil a donné son feu vert au projet Darwin EU qui prévoit un transfert massif d’informations de la Cnam vers le géant de la Tech domicilié aux Etats-Unis et sous la coupe des autorités américaines. Un collectif, dont la LDH est membre, prépare un recours devant le Conseil d’Etat et appelle syndicats, associations et personnalités à le rejoindre.
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Une chance sur sept. Vous avez une chance sur sept de voir vos données de santé migrer dans le cloud de Microsoft et tomber sous les lois américaines et donc sous le bon vouloir de son président Donald Trump et du patron du Doge, Elon Musk. Alors heureux ? Eh oui, vous allez peut-être faire partie des 10 millions de Français et Françaises tirés au sort dans le cadre du projet Darwin EU coordonné par l’Agence européenne des médicaments et conduit, en France, par le groupement d’intérêt public « Plateforme des données de santé », plus connu sous le nom de Health Data Hub (HDH).
Dans une délibération publiée le 11 mars dernier, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a donné son feu vert au HDH pour sélectionner un échantillon aléatoire de 10 millions de personnes représentatif en termes d’âge, de sexe et de département de résidence dans la base principale du Système national des données de santé issues en grande majorité de la Caisse nationale d’assurance maladie. Les objectifs sont, certes, louables : déterminer la prévalence et l’incidence de l’utilisation des médicaments et des vaccins en France selon une méthodologie standardisée.
Moins louable, l’hébergeur choisi pour stocker ces données est l’entreprise Microsoft. En 2020, dans le cadre d’une procédure en référé, nous alertions déjà sur le fait que les données sensibles de santé de la population française hébergées chez Microsoft tombaient sous le coup des lois américaines en raison de la domiciliation de l’entreprise aux Etats-Unis. En octobre 2020, le Conseil d’Etat reconnaissait ce risque d’extraterritorialité du droit américain. Un mois plus tard, dans un courrier daté du 19 novembre 2020, le ministre de la Santé, Olivier Véran, engageait le gouvernement à faire disparaître complètement, d’ici à deux ans, les risques que présente l’hébergement des données de santé par un opérateur américain.
La Cnil regrette l’absence de solution souveraine
Cinq ans ont passé : la solution technique est toujours Microsoft. Les autorités états-uniennes, aujourd’hui représentées par Donald Trump, pourront donc adresser à Microsoft des injonctions de communication des données de santé de 10 millions de Français et Françaises. Dans son avis du 11 mars 2025, la Cnil alerte d’ailleurs sur le risque « de communication à des puissances étrangères de données stockées chez un hébergeur soumis à un droit extra-européen » et regrette l’absence de solution souveraine.
Ceux-là mêmes qui, au gouvernement, se targuent de défendre la « souveraineté » de notre pays nous mèneraient-ils en bateau depuis plus de cinq ans ? La main sur le cœur, on nous dit qu’un appel d’offres est en préparation pour choisir un hébergeur européen. Paroles, Paroles.
Aussi, face à l’inertie du gouvernement, nous préparons un nouveau recours devant le Conseil d’Etat et appelons syndicats, associations et personnalités à nous rejoindre pour que les données de santé de 10 millions de Françaises et Français ne risquent pas d’être exploitées par des tiers non désirés.
Cela apparaît d’autant plus urgent que Donald Trump vient de paralyser l’agence de supervision indépendante américaine – Privacy and Civil Liberties Oversight Board – chargée de garantir un niveau protection « adéquat » au règlement général sur la protection des données (RGPD) de l’Union européenne comme le stipule l’accord transatlantique de transfert des données signé en 2022.
Aujourd’hui, alors que le contexte international est bouleversé, que nos « amis » à la tête des Etats-Unis ne semblent plus l’être, nous réitérons nos demandes de solutions exclusivement soumises au droit de l’Union européenne pour nos données de santé destinées à des fins de recherche scientifique et de santé publique. Nous demandons également que des solutions déconcentrées soient recherchées. Pour que les discours sur la souveraineté numérique ne restent pas des paroles en l’air.
Signataires : Frédérique Anne, Présidente de l’Association des volontaires de Constances; Adrien Parrot, Président de l’association Interhop; Nathalie Tehio, Présidente de la LDH (Ligue des droits de l’Homme); Camille Gendry, Syndicat de la médecine générale (SMG); Ramon Vila, Fédération SUD Santé sociaux; Aides.