Lire la tribune collective, à l’initiative du Festival des solidarités et signée par la LDH, dans Mediapart
L’élection de Joe Biden annonce le retour des Etats-Unis dans l’accord de Paris. Mais en Amérique comme ailleurs, tenter de faire face au défi climatique sans s’attaquer en même temps aux inégalités est contre-productif. La crise sanitaire actuelle en apporte une nouvelle fois la démonstration. Nous, acteurs et actrices du Festival des solidarités, porterons cette année ce message.
Le filtrage opéré par le gouvernement français aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat indique clairement un parti-pris : faire peser la responsabilité de l’action sur les citoyen·ne·s, sans toucher aux intérêts des milieux d’affaires. A la tête du parti démocrate américain et partout ailleurs dans le monde, on retrouve cette écologie de façade, un libéralisme teinté de vert, qui sert les intérêts des puissants sans se préoccuper d’améliorer le sort des plus pauvres.
Ainsi, des peuples autochtones d’Amazonie sont privés de leurs moyens de subsistance au nom de la préservation de l’environnement. Au nom du « développement », des firmes multinationales exproprient des producteurs et productrices paysan-ne-s au Mali, détruisent des forêts entières et imposent une agriculture polluante qui dérègle le climat local, et contribue à faire grossir les bidonvilles et la colère. En France, un projet injuste de taxe carbone excluant le transport aérien a provoqué une révolte des classes populaires, pendant que les grandes banques continuent d’investir dans des projets pétroliers et gaziers.
La crise de la Covid-19 a-t-elle remis au goût du jour la relocalisation de l’économie ? A-t-elle révélé les inégalités sociales, territoriales, scolaires, de genre, et mis en lumière les « premiers-ères de corvée » ? Las, les plans d’urgence privilégient les grandes industries et ne laissent que des miettes aux plus précaires.
Depuis le début des années 2000, le mouvement pour la justice climatique est porté fortement par les pays « du Sud » et par les populations discriminées des pays du Nord. De fait, les groupes les plus défavorisés sont à la fois les plus impactés par la crise climatique, et les moins responsables de ces dérèglements. Leurs voix ne sont pas suffisamment entendues, et leurs propositions pas assez écoutées. Changer cet état de fait suppose de mettre enfin au centre la question des inégalités de pouvoir, dans la société comme dans les mobilisations pour le climat.
La parole aux premier-e-s concerné-e-s
Les populations discriminées sont bien souvent les mieux placées pour dire si les mesures décidées pour faire face aux changements climatiques sont adaptées à leurs réalités et ne viennent pas aggraver la précarité dont elles sont victimes. Dans bien des pays, les systèmes traditionnels de gestion des “communs” sont d’ailleurs bien plus pertinents pour protéger les écosystèmes et permettre à chacun·e de vivre de son travail que le régime de propriété privée imposé par la colonisation. Les femmes, qui jouent un rôle fondamental dans le respect des écosystèmes agricoles, sont des actrices de changement très importantes pour peu qu’on les laisse prendre part aux décisions, comme le montre le travail de l’alliance panafricaine WoMin.
Les groupes les plus impactés par les catastrophes environnementales ont plus que quiconque la légitimité de revendiquer le respect de leur droit à la dignité, et tout simplement le droit à la vie. Il convient de soutenir résolument leurs procédures judiciaires intentées contre les multinationales polluantes et les États négligents.
Pour que les catégories sociales discriminées occupent la place qui leur revient dans les mobilisations, il est nécessaire de faire l’effort de comprendre et de soutenir l’ensemble des luttes qui entendent changer le monde, et de créer une véritable solidarité entre les mouvements écologistes, féministes, anti-racistes, et anti-précarité.
Seule cette approche globale de solidarité entre les luttes, qui prend en compte l’ensemble des facteurs de domination perpétuant les déséquilibres mondiaux, peut permettre à chacune de ces luttes d’être victorieuse. À l’exemple du front canadien pour une relance juste et verte, c’est d’un vaste mouvement du changement social, composé de toutes les luttes progressistes, dont nous avons besoin.
Depuis 23 ans, le Festival des solidarités (Festisol) rend visible chaque année en novembre les acteurs et actrices du changement social en France et dans le monde. Depuis 2015, ce festival se développe également en Afrique francophone. Cette année encore, malgré la crise sanitaire, ce Festisol sera l’occasion de construire avec les citoyen·ne·s de chaque territoire les alternatives pour un monde où la justice et la solidarité ne soient pas des mots creux mais des réalités.
Vous pouvez signer cette tribune (à titre individuel ou au nom de votre organisation) en suivant ce lien : https://framaforms.org/signature-de-la-tribune-le-mouvement-climat-doit-mettre-au-centre-la-question-des-inegalites
Premiers signataires : 350.org, ActionAid France, ATD Quart monde, Attac France, Attac–Togo, Attac-CADTM Burkina, CCFD-Terre solidaire, Coordination Sud, Crid, Enercoop, Engagé·e·s & Déterminé·e·s, Fédération Artisans du monde, Fédération française des clubs pour l’UNESCO, Fondation Danielle Mitterrand, FORIM, France Amérique Latine (FAL), Ingénieurs sans frontières, La Nef, La Ligue de l’enseignement, La Ligue des droits de l’Homme (LDH), Max Havelaar France, Notre affaire à tous, REFEDD (Réseau français étudiant pour le développement durable), Solidarité laïque, Union syndicale Solidaires, Unis pour le climat