12 décembre 2005 – Biométrie
Directive « Rétention des données » : La menace d’une Europe sous surveillance

A Strasbourg le 12 décembre prochain, le Parlement Européen se réunira afin de procéder  au vote de la proposition de directive de du Parlement et du Conseil relative à « la conservation de données traitées dans le cadre de la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public[1]. Cette proposition prévoit, au nom de la lutte contre le terrorisme, la rétention systématique, disproportionnée, obligatoire et indiscriminée des données de toutes les communications réalisées par téléphone ou via Internet dans un Etat membre de l’Union européenne. Ainsi, l’adoption de cette directive causerait une modification irréversible en matière de respect et de protection des droits fondamentaux et des libertés civiles des citoyens européens.

 

En effet, le volume de données à conserver est trop élevé pour garantir que celles-ci soient effectivement inaccessibles à toute utilisation autre que la lutte contre le terrorisme. Par ailleurs, la Directive ne prévoit pas de mécanisme visant à protéger les données des accès illégaux. Ainsi, il serait possible d’imaginer une utilisation des données personnelles à des fins commerciales par des entreprises privées.

Même dans l’hypothèse d’une correcte gestion des données stockées par une autorité chargée de leur protection, le stockage des informations sera tel que leur gestion ne facilitera sans doute pas l’avancement réel des enquêtes visant à prévenir certains délits. Faute de prévention, les données serviront à trouver les responsables du délit une fois celui-ci commis. Toutefois, il est possible d’imaginer que face à ces mesures les terroristes vont tout simplement opter pour des moyens de communication alternatifs, plus protégés, ou accéder à des fournisseurs de service Internet non européens.

Le contenu de cette proposition porte atteinte à la vie privée de tous les Européens. C’est une violation grave des droits fondamentaux des citoyens européens qui vont voir leur droits à l’intimité dans les communications et à la présomption d’innocence annihilés. En outre, le danger des enquêtes menées par les autorités de police et les services de renseignement sans la supervision du pouvoir judiciaire persiste et bafoue clairement les droits des citoyens.

L’AEDH estime qu’il s’agit d’un texte qui bafoue les droits fondamentaux. La rétention de données est contraire aux droits reconnus par la Convention Européenne pour la sauvegarde des Droits de l’Homme et dans les directives européennes relatives à la vie privée et aux données[2] de l’Union Européenne puisque les informations personnelles « sensibles » (à caractère politique, médicale, religieux, etc.) seraient enregistrées, exposant ces données à tous les abus.

L’AEDH rappelle l’avis du Contrôleur européen de la protection des données, et du Parlement européen lui-même, qui ont à plusieurs reprises exposés leur conviction en affirmant que la rétention de données n’est pas justifiée. Ainsi, face à ce danger considérable pour les libertés civiles l’AEDH invite les Membres du Parlement Européen à rejeter cette proposition de directive sur la rétention de données afin d’empêcher la mise en place d’un régime de surveillance en Europe.



[1] Voir COM(2005)0438 – C6-2093/2005 – 2005/0182(COD)) et Rapport final A6-0365/2005 du Rapporteur Alexander Nuno Alvaro

[2] Directives 95/46/ CE du Parlement et du Conseil du 24 octobre 1995 relative la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et 97/66/CE du Parlement et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des télécommunications

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