Les résultats des élections en Espagne ont provoqué un regain d’actualité concernant le futur projet de « traité constitutionnel » européen, le Conseil européen s’étant fixé depuis pour objectif d’aboutir à un accord avant la fin de la présidence irlandaise.
Il est regrettable que, depuis la publication du projet de « traité constitutionnel » élaboré par la Convention, les discussions du Conseil portent pour l’essentiel sur le partage des voix entre États. Le spectacle de marchandage donné par les États laisse supposer face à l’opinion publique européenne que l’enjeu de l’Europe de demain porte sur des rapports de forces de puissances économiques et démographiques plus que sur la volonté d’aboutir à l’instauration d’une véritable démocratie européenne.
Cette démocratie européenne ne peut exister sans un renforcement du pouvoir du Parlement, sans une responsabilité du futur exécutif européen devant le Parlement, sans une citoyenneté européenne reconnue à l’ensemble de ses résidents permanents. Il ne peut y avoir de cohésion sociale européenne sans construction d’une Europe sociale. Les droits sociaux doivent faire partie des droits reconnus à l’ensemble des citoyens de l’Union, en particulier le droit à des services « d’intérêt général », à côté des droits civiques, politiques, culturels et environ-nementaux. Le texte du projet de « traité constitutionnel » doit évoluer dans ce sens.
En tout état de cause, il serait inacceptable :
- que le projet de « traité constitutionnel » ne soit révisable qu’à l’unanimité des 25 pays membres de l’Union, ce qui le rendrait quasiment non modifiable, au risque de créer des tensions sociales face aux nombreux citoyens qui aspirent à une Europe plus sociale et plus démocratique que celle qui est contenue dans le projet ; c’est à un véritable enfermement institutionnel auquel on assisterait, enfermement contraire à toute réalité historique et qui n’aurait d’autre issue qu’une crise profonde sociale et institutionnelle ;
- de ne pas considérer que les citoyens européens sont directement concernés par l’approbation de la nouvelle rédaction des traités ; intitulé « constitution », ce texte montre la volonté des États de donner à ce projet de « traité constitutionnel » une valeur politique symbolique liant ses 25 États membres. L’approbation de ce texte « constitutionnel » ne peut donc être que le résultat d’une consultation populaire sous forme de référendum.
Paris, le 14 avril 2004