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Dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron, un collectif d’organisations syndicales et de journalistes demande le retrait des articles 21, 22 et 24 au nom du respect des libertés fondamentales.
Tribune. Monsieur le président de la République, depuis le 8 novembre, des centaines de milliers de personnes se mobilisent pour défendre le droit d’informer et d’être informées, ainsi que plus généralement les libertés fondamentales, gravement menacées par la proposition de loi dite «sécurité globale», votée en première lecture par l’Assemblée nationale.
Aujourd’hui, près d’une centaine d’organisations représentant les journalistes et professionnels de la presse et de l’image, des avocats, des magistrats, des défenseurs des libertés publiques et de l’Etat de droit ou encore des victimes de violences policières ont rejoint la coordination à l’origine de cette mobilisation. Elles se retrouvent sur une demande claire et précise : le retrait des articles 21, 22 et 24 de la proposition de loi, ainsi que le retrait du nouveau schéma national du maintien de l’ordre (SNMO).
En faisant de tous ceux qui filment l’action des forces de l’ordre des délinquants potentiels, ces dispositions entravent la capacité des habitants à contrôler l’action de leur police. Droit pourtant nécessaire au fonctionnement démocratique, comme le rappelait la Défenseure des droits dans son avis du 3 novembre. Elles constituent aussi un blanc-seing pour les violences policières.
Surveillance généralisée de la population
En outre, les articles de cette loi accroissent les capacités de surveillance généralisée de la population : de l’autorisation des drones dans pratiquement tous les contextes à l’extension des usages des caméras piétons des policiers, sans garantie que leurs images ne soient traitées par un logiciel de reconnaissance faciale, en passant par le renforcement des pouvoirs des polices municipales et des sociétés de sécurité privées.
Ces pratiques constituent des violations du droit international et portent une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée, à la liberté d’expression et à la liberté de manifestation, rappellent les experts de l’ONU.
Monsieur le président, lors de votre interview sur Brut, vous avez estimé que c’était « caricaturer » la France, et même « mentir », que d’évoquer une restriction des libertés publiques. Pourtant, c’est ce constat et cette exigence qui sont à l’origine de manifestations massives, des plus grandes villes aux plus petites localités. Partout, les initiatives se multiplient pour exiger le retrait de la proposition de loi « sécurité globale », et plus généralement défendre la liberté d’expression mise à mal et entravée par une série de dispositions formant un continuum sécuritaire.
Confinée en raison des risques sanitaires, la population se voit en plus interdite de se rassembler, de revendiquer, de manifester. Et ce, alors même que les atteintes aux libertés portées par votre gouvernement se multiplient. Et quand elle le fait, elle se trouve confrontée, notamment à Paris, à des stratégies de maintien de l’ordre génératrices de violences.
Non, Monsieur le président, les violences policières ne sont pas « un slogan », ni le fruit d’un « discours militant », comme vous l’avez déclaré lors de votre interview chez Brut. Le tabassage de Michel Zecler et l’explosion du nombre de vies confisquées (voire perdues) à cause d’opérations policières en témoignent.
Dérive autoritaire
Ces mesures s’inscrivent dans une dérive autoritaire, illustrée par une succession de textes à portée sécuritaire : décrets du 2 décembre sur le fichage des opinions politiques ou syndicales, loi de programmation sur la recherche qui permet la répression de la contestation sur les campus universitaires, projet de loi censé « conforter les valeurs républicaines », qui entre autres permet un contrôle accru sur le mouvement associatif de ce pays.
Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à le dire ou à le penser dans notre pays comme sur la scène internationale. En France, la Défenseure des droits ou la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) se sont inquiétées de la portée de la proposition de loi dite « sécurité globale » pour la liberté d’informer. A l’échelle internationale, trois rapporteurs spéciaux des droits de l’homme, cinq experts indépendants de l’ONU, la Commission européenne et les fédérations internationales de journalistes ont fait part de leurs craintes. Plus récemment encore, Michelle Bachelet, Haut-Commissaire aux droits de l’Homme, a exhorté les autorités françaises à « éviter de prendre des mesures qui résultent dans la stigmatisation de groupes entiers ».
Pour l’instant, Monsieur le président, vous n’avez toujours pas répondu clairement à ces inquiétudes largement partagées. Même réécrit, même réintroduit sous une autre forme dans une autre loi, l’article 24 est toujours là. Comme le sont les autres articles de la proposition de loi dite « sécurité globale » et le SNMO. La création d’une commission chargée de proposer des mesures pour mieux concilier le travail de la société civile, des journalistes, des réalisateurs et celui des forces de l’ordre ou la réunion d’un « Beauvau de la sécurité » ne nous satisfont pas.
En tant que garant et arbitre de la Constitution, vous devez veiller au respect des libertés fondamentales. A ce titre, nous vous demandons d’abandonner vos projets liberticides, et notamment de retirer les articles 21, 22 et 24 de la proposition de loi dite « sécurité globale » et le SNMO. Dans ce but, nous vous demandons solennellement de bien vouloir recevoir dès que possible une délégation de la coordination nationale #StopLoiSécuritéGlobale.
Signataires : Syndicat national des journalistes ; Syndicat national des journalistes-CGT ; CFDT journalistes ; Syndicat général des journalistes-FO ; Ligue des droits de l’Homme ; Confédération générale du travail ; union syndicale Solidaires ; Attac ; Syndicat de la magistrature ; Syndicat des avocats de France ; Black Robe Brigade ; Profession : pigiste ; Reporters en colère ; Syndicat interprofessionnel presse, média, culture, spectacle-CNT ; Union des clubs de la presse de France et francophones ; SDJ de Mediapart ; SDJ Le Media ; SDJ de France 3 National ; la Quadrature du Net ; Société des rédacteurs de La Vie ; Société des réalisateurs de films, scénaristes de cinéma associés ; Association du cinéma indépendant pour sa diffusion (Acid) ; Association des cinéastes documentaires (Addoc) ; Société des journalistes et du personnel de Libé ; Société des personnels de l’Huma ; collectif Kelaouiñ ; Politis ; Basta ! ; Club de la presse Occitanie ; la Guilde des auteurs, réalisateurs de reportages et de documentaires (Garrd).
Paris, le 14 décembre 2020