Tribune collective signée par 86 associations dont la LDH
Constatant que les causes solidaires et environnementales sont invisibilisées ou caricaturées sur X, un collectif de 86 associations, répondant à l’appel d’Emmaüs France, s’engage dans une tribune au « Monde » à quitter le réseau social d’Elon Musk.
Nous, associations et syndicats qui agissons avec et pour les personnes touchées par la précarité, les inégalités et les atteintes aux droits humains, qui militons pour une transition écologique et solidaire, les libertés publiques et la liberté de la presse, avons pris la décision de quitter collectivement le réseau social X (ex-Twitter), le 20 janvier.
Cette date n’est pas le fruit du hasard. Déjà montrées du doigt à de multiples occasions depuis sa création, en 2006, les critiques à l’encontre de X sont de plus en plus nombreuses et fortes, particulièrement depuis son rachat par le milliardaire américain Elon Musk. L’absence de modération et le paramétrage des algorithmes y favorisent la prolifération des contenus haineux et la circulation de théories complotistes et climatosceptiques.
Par ailleurs, X a été le théâtre de campagnes de cyberharcèlement orchestrées par l’extrême droite dans de nombreux pays, dont les Etats-Unis et la France. Plus récemment, Elon Musk a utilisé son réseau social pour le mettre au profit de la campagne du candidat Trump, avec le résultat que l’on connaît, et les conséquences que nous redoutons, très probablement catastrophiques pour la vie de dizaines de millions de personnes. Sans parler de cette nouvelle digue détruite dans la préservation des valeurs d’humanisme et de respect d’autrui.
Pour le sens de la nuance et le débat apaisé
En quittant X, nous avons bien conscience de nous priver d’un canal de communication pour valoriser nos actions, nos combats, interpeller, sensibiliser… Mais cet outil, qui pouvait être appréhendé comme un nouvel espace de liberté d’expression à ses débuts, est devenu un grave danger pour celle-ci et pour le respect de la dignité des personnes.
Nos causes solidaires et en faveur de la défense de l’environnement y sont invisibilisées, mais aussi caricaturées, alors même que les défis qui se présentent à nous méritent attention, réflexion, sens de la nuance et débat apaisé. Inutile de poursuivre la bataille des idées au sein d’un ring où les dés sont pipés. Pour autant, nous ne baisserons pas les bras.
Au quotidien, nous agissons en faveur des plus vulnérables, des personnes de tous âges, confessions, orientations sexuelles, nationalités ou parcours de vie. Nous innovons pour développer des projets solidaires et plus respectueux de l’environnement. Nous alertons sur les injustices sociales, les discriminations, l’inaction climatique, les atteintes à la liberté d’expression et le déferlement des fake news.
Porter une parole collective en faveur des droits humains
Nous proposons et développons des alternatives, y compris numériques. Ces actions de terrain, ces combats politiques, ces valeurs de solidarité et d’inclusion doivent être portés dans l’espace public pour contribuer à la formation des opinions, façonner les représentations sociales et influencer les décisions des pouvoirs publics. Il ne s’agit pas uniquement de promouvoir nos initiatives, mais de porter une parole collective en faveur des droits humains et de la justice sociale et environnementale.
En effet, les discours ambiants sur la pauvreté, l’exclusion, les personnes exilées et l’écologie sont souvent biaisés. En prenant la parole, les associations peuvent déconstruire des idées reçues, lutter contre les stéréotypes. Là où certains médias traditionnels tendent à privilégier les sujets sensationnels, les associations ont la responsabilité de ramener l’attention sur des causes essentielles mais moins médiatisées.
Face à la montée des populismes et à leur discours de rejet, les associations doivent opposer des récits positifs, inclusifs et fondés sur le réel, là où X est devenu une immense Toile d’intox et de préjugés. Les réseaux sociaux permettent aussi de diffuser des contenus mobilisateurs, inspirants, de créer des campagnes virales et de susciter l’engagement citoyen en faveur de projets écologiques et solidaires.
Aller vers d’autres plateformes, à l’aide d’outils de migration
Nous allons continuer à communiquer, notamment sur les autres réseaux sociaux, certes perfectibles, mais loin de présenter les mêmes travers fonctionnels et idéologiques que X. Contrairement à X, où les règles sont imposées de manière centralisée, Bluesky et Mastodon permettent aux utilisateurs et aux communautés de choisir ou de créer leurs propres règles de modération.
En complément de ces derniers, d’autres espaces de communication existent, peut-être plus vertueux ? Là non, tout ne sera peut-être pas parfait, mais cela vaut la peine d’essayer. C’est la raison pour laquelle nous nous associons à l’initiative Hello quitX, qui permet à chacune et à chacun (organisations de la société civile, médias, politiques, entreprises, influenceurs, citoyennes et citoyens…) de quitter X ou d’y cesser son activité, pour aller vers d’autres plateformes, à l’aide d’outils de migration qui permettent de conserver tous les threads et followers.
Encore une fois, nous ne baisserons pas les bras. Parce qu’une société ne peut évoluer dans le bon sens que si les voix de celles et ceux qui défendent l’humain et la planète sont entendues et écoutées.
Les signataires : Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale La Cimade ; Antoine Chuzeville, secrétaire général Syndicat national des journalistes ; Juliette Franquet, directrice Zero Waste France ; Antoine Gatet, président France Nature Environnement ; Benoît Hamon, président ESS France ; Jean-François Julliard, directeur général Greenpeace France ; Bruno Morel, président Emmaüs France ; Pascale Ribes, présidente APF France Handicap ; Nathalie Tehio, présidente LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Anne-Sophie Trujillo, porte-parole Alternatiba. Lire la suite des signataires