Le Comité des droits sociaux du Conseil de l’Europe vient de rendre publique sa décision du 3 novembre 2004 sur les réformes françaises relatives à l’aide médicale d’Etat (AME) et à la couverture maladie universelle (CMU) : il épingle la France, rappelant que les sans papiers et leurs enfants doivent bénéficier d’une assistance médicale effective, conformément à la Charte sociale européenne.
Les collectifs budgétaires de 2002 et 2003 ont profondément réformé le système de santé des étrangers en situation précaire de séjour, l’AME et la CMU[1][1]. Pour la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) et la Ligue des droits de l’Homme (LDH), ces réformes ont profondément amputé la couverture maladie des sans papiers et mis en cause leur accès effectif aux soins. Face à ce qu’elle considérait comme des violations de la Charte sociale européenne, la FIDH a déposé, en collaboration avec la LDH et le GISTI, une réclamation en 2003 auprès du Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe afin d’obtenir la constatation officielle de ces dénis de droits[2][2]. C’est enfin chose faite : la procédure vient d’aboutir et la décision rendue par ce Comité d’experts chargé de veiller au respect de la Charte sociale, affirme, sans ambiguïté, que la protection de la Charte doit aussi profiter aux personnes en situation irrégulière, il en va de « l’essence » et de « l’objectif général de la Charte »[3][3].
Il s’ensuit que le gouvernement français ne saurait porter atteinte à la dignité humaine, dont l’accès aux « soins de santé constitue[] un préalable essentiel » et doit accorder un droit à l’assistance médicale à tous « les ressortissants étrangers, fussent-il en situation irrégulière ».
Avec ces mises au point, c’est un pas important qui a été franchi vers la reconnaissance de l’égalité des droits qui vient d’être accompli en faveur de tout être humain, indifféremment à sa situation administrative. La jouissance des droits sociaux fondamentaux est enfin déconnectée des préoccupations de politiques migratoires.
Concrètement, le Comité reconnaît l’imprécision du concept « d’urgence mettant en cause le pronostic vital » qui ouvre droit à une prise en charge immédiate et revèle la nébuleuse entourant l’autorité compétente pour en décider. Il souligne également les « difficultés dans la mise en œuvre pratique » des dispositions du système de l’AME. Et ce n’est que « dans le doute » que la violation du droit à l’assistance médicale est écartée.
La position du Comité des droits sociaux du Conseil de l’Europe est nettement plus catégorique à l’égard du sort réservé aux enfants isolés ou à charge de sans-papiers par le dispositif de l’AME puisqu’est reconnue une violation flagrante de la Charte sociale. Le droit des enfants et adolescents à une protection sociale, juridique et économique est purement et simplement bafoué par la législation française qui les écarte de la couverture maladie de droit commun et conditionne leur prise en charge à une durée de résidence préalable de 3 mois.
Paris, le 14 mars 2005
[1][1] Voir dossier de presse Médecins du monde, Médecins sans frontières, Samu Social et Comede, juin 2004 : http://www.medecinsdumonde.org/2missions/france/publication/Dossier%20AME080604.pdf.
[3][3]http://www.coe.int/T/F/Droits_de_l’Homme/Cse/4_R%E9clamations_collectives/Liste_des_R%E9clamations/Bien_fond%E9_RC14.asp#TopOfPage
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