Peut-on faire du silence d’un homme sur les faits qui l’ont conduit en prison la condition de sa libération conditionnelle ? La loi le prévoit pour les infractions particulièrement graves dont les atteintes à la vie : parmi les conditions particulières que le juge peut imposer, figure celle de s’abstenir de toute intervention publique relative à l’infraction commise.
Jean-Marc Rouillan s’est exprimé dans une interview accordée à L’Express. Au journaliste qui lui demandait s’il regrettait les actes d’Action directe, et notamment l’assassinat de G. Besse, Rouillan fait une réponse ambiguë et ne se contente pas de dire qu’il n’a pas le droit de s’exprimer sur ce sujet. Que Rouillan ne soit pas un repenti ne peut étonner personne. Mais si, officiellement, nul n’exige cela de lui, c’est bien ce que l’on en attend, car un propos de Rouillan d’une autre nature n’aurait pas entraîné la même réaction.
Rouillan a parlé sans parler tout en parlant. Si l’on doit en tirer comme conséquence sa réincarcération, il faut dire clairement le discours que l’on veut entendre des membres d’Action directe. De simples paroles, même sujettes à interprétations, méritent-elles des années de prison alors qu’il a subi sa peine et que la justice a considéré qu’il remplissait les conditions nécessaires à une liberté conditionnelle, au demeurant très partielle, puisqu’il était astreint à dormir en prison ?
Jean-Marc Rouillan a été condamné pour les crimes commis ; le respect dû à ses victimes exige qu’il respecte certaines obligations. Ceci ne peut signifier qu’il soit interdit d’aborder cette période et notre société démocratique doit être suffisamment mûre pour ne pas être déstabilisée par des propos, fussent-ils difficiles à lire ou entendre. Mieux vaut appliquer l’interdiction légale de faire l’apologie d’un crime que d’interdire a priori toute expression.
Paris, le 14 octobre 2008