15 janvier 2008 – « J’accuse » toujours d’actualité

Chacun d’eux, désespéré au fond d’un centre de rétention, ligoté sur son siège d’avion, projeté dans l’inconnu à l’autre bout du monde, est comme un écho de l’innocent de l’île du Diable. Chacun de ces destins broyés est une nouvelle affaire Dreyfus. En leur nom à tous, au nom des milliers de «délinquants de la solidarité» qui restent fidèles à la République de Zola, j’ose me réclamer de la grande voix.

 

J’accuse ceux qui ont proposé, voté et fait voter ces lois inhumaines de persécuter des innocents pour le plus grand profit de mafieux, de marchands de sommeil et de travail au noir, et pour la plus grande honte des citoyens attachés à la liberté, à l’égalité et à la fraternité. J’accuse ceux qui, semaine après semaine, exigent plus d’arrestations, plus d’expulsions, plus d’exils d’être la cause de souffrances innombrables, voire trop souvent de la mort d’humains qui ne sont coupables que de fuir la terreur ou la misère, de vouloir vivre le plus dignement possible et de rêver, pour leurs enfants, d’un avenir meilleur.

 

J’accuse ceux qui, par calcul ou lâcheté, détournent les yeux, se bouchent les oreilles et se tiennent à l’écart de la solidarité humaine avec les sans-papiers, les sans-asile, les sans-droits, de contribuer par leur passivité et leur silence à un repli xénophobe qui, dans les manuels d’histoire de demain, restera comme une tache sur le livre de la République. La Ligue des droits de l’homme, en ce 110e anniversaire de la publication du «J’accuse» d’Emile Zola, appelle chaque citoyenne et chaque citoyen à faire de cette cause d’humanité, d’égalité et de solidarité, en ces temps difficiles, notre affaire Dreyfus à tous.

 

Libération – « Rebonds » 15 janvier 2008

 

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