Tribune collective signée par la LDH
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Après deux années d’expérimentation, le gouvernement poursuit le développement du service national universel (SNU). Pour le moment basé sur le volontariat, le SNU se voit doté de 65 millions d’euros et s’appuie sur le code du service national. Des séjours de cohésion de 14 jours avec des jeunes de 15 à 16 ans sont actuellement en cours, réunissant 3 000 jeunes.
Selon ses initiateurs, le SNU vise à mobiliser les jeunesses face à une nation en danger et à développer une culture de l’engagement. Sa forme et certains aspects de ses contenus témoignent plutôt d’une volonté de conformer, de contrôler et de militariser les jeunes. Si le SNU permet actuellement à certains jeunes d’assouvir une passion pour les métiers sous uniformes, dès lors qu’il sera obligatoire, il entrainera des sanctions et produira de la confusion entre obligation scolaire et obligation tendant à l’embrigadement.
Il fragilisera un peu plus les jeunes les plus vulnérables parfois en rupture scolaire ou d’insertion et ne permettant ni objection de conscience, ni exemption.
Pour nous, signataires, l’éducation des jeunesses est l’un des piliers majeurs du projet républicain émancipateur. L’éducation se construit par l’école, service public de l’instruction et des savoirs, et par une éducation populaire permettant la prise d’initiative et de responsabilité des jeunes notamment.
Notre proposition d’alternative au SNU vise le développement de la citoyenneté et le renforcement de la démocratie par la mise en œuvre d’une véritable mixité sociale entre les jeunesses et par des expériences collectives relevant de l’éducation populaire. Notre alternative reconnaît dans les missions éducatives légitimes de l’Etat : elle est ancrée dans le principe constitutionnel de laïcité, permettant à chaque jeune d’assurer sa liberté de conscience et de garantir sa liberté d’expression et l’égalité des droits.
Notre projet alternatif au SNU, « Jeunesses Citoyenneté Emancipation », s’il est repris par le prochain président ou la prochaine présidente de la république, ne sera pas obligatoire pour les individus : l’engagement ne saurait être que volontaire. Il reposera sur l’engagement de l’ensemble des acteurs publics et associations agréées. « Jeunesses Citoyenneté Emancipation » doit permettre à chaque jeune, qui le souhaite, dès 11 ans et jusque 30 ans, de se construire un parcours, de fréquenter des espaces de rencontres ouvrant aux mixités et de vivre des expériences collectives et démocratiques : classes de découverte, séjours collectifs de vacances, juniors associations, formation à l’animation volontaire, coopérations internationales, espace de rencontre entre urbains et ruraux, service civique refondé… Ce parcours pourra se dérouler sur le temps scolaire, dans l’école ou au sein d’associations partenaires.
Il devra proposer des actions et des temps permettant :
- de prendre soin des autres, notamment des plus vulnérables, de soi et de la planète ;
- de développer l’esprit critique dans tous les domaines
- de renforcer la citoyenneté européenne, la solidarité internationale et la compréhension du monde ;
- l’écoute et le soutien des jeunes dans leur désir d’agir, de créer, de s’émerveiller, d’expérimenter d’être en confiance avec l’altérité ;
- les mobilités, y compris virtuelles, du local à l’international ;
- de s’approprier et faire évoluer les cadres collectifs et protecteurs permettant de faire société.
« Jeunesses Citoyenneté Emancipation », c’est un choix fort et essentiel : celui de renforcer l’éducation démocratique dans le projet républicain, celui d’investir massivement dans un parcours permettant à l’ensemble des jeunes français de se rencontrer, de se déplacer et de vivre des moments collectifs, d’avoir le goût de l’avenir.
En confortant, en impulsant et en finançant les expériences de « vivre et agir en commun » par la coopération des acteurs éducatifs publics et associatifs, en associant chacun à la vie démocratique, on renforce la République.
Nous sommes attachés à des politiques publiques solides et à leur continuité territoriale assurée par l’état avec les collectivités territoriales. « Jeunesses Citoyenneté Emancipation » doit être confié au ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports. Il doit impérativement être mis en œuvre par des personnels formés, aux statuts clairs et ayant des rémunérations dignes. Ces personnels de pilotage et d’encadrement seront amenés à accueillir chacun et à porter un regard confiant, aidant et bienveillant sur chaque jeune. C’est une des conditions d’une politique éducative émancipatrice et solidaire.
Nous interpellons les candidats aux élections, sur notre projet alternatif, mais aussi sur l’engagement qu’ils peuvent prendre auprès des jeunesses de notre pays pour construire la République et le monde de demain. Et celui-ci leur appartient !
Signataires : Malik Salemkour, président de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) ; Michèle Zwang-Graillot, présidente de la Ligue de l’enseignement (LE) ; Nelly Vallance, présidente du Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC) ; Elsa Dahan, présidente de Concordia ; Philippe Meirieu, président des Centres d’entrainement aux méthodes d’éducation actives (CEMEA) ; Véronique Marchand et Nathalie Monteiro, co-présidentes de la Confédération nationale des foyers ruraux (CNFR) ; Lucie Bozonnet, Yann Renault et Arnaud Tiercelin, co-président-e du Comité national des associations de jeunesse et d’éducation populaire (CNAJEP) ; Suzanne Chevrel, présidente des éclaireuses et éclaireurs unionistes de France (EEUF) ; Marie-Christine Bastien et Catherine Tuchais, co-secrétaires générales du syndicat Education pluralisme action solidaire-Fédération syndicale unitaire (EPA-FSU) ; Nageate Belahcen et Carla Dugault, co-présidente de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) ; Tarik Touahria, président de la Fédération des centres sociaux et socioculturels de France (FCSF) ; Benoit Schneckenburger, secrétaire général-adjoint de la Fédération nationale de la Libre pensée (FNLP) ; Colin Champion, co-responsable Forum français de la jeunesse (FFJ) ; Nicolas Bellissimo, président de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) ; Anne Marie Harster, présidente de Solidarité laïque ; Mélanie Luce, présidente de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) ; Claude Garcera, président de l’Union nationale pour habitat jeunes (UNHAJ) ; Frédéric Marchand, secrétaire général de l’Union nationale des syndicats autonomes – Education (UNSA-E).