Tribune collective signée par Malik Salemkour
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« Un autre monde est possible, et il est déjà en germe. » Afin de continuer le combat contre les multinationales de l’agrochimie « qui empoisonnent nos terres et nos corps », un ensemble d’activistes et d’associations appellent à une dixième marche contre Monsanto le samedi 21 mai 2022, « déterminé-es à promouvoir un autre modèle agricole et alimentaire, écologique, respectueux du vivant et juste socialement pour les paysan-nes et l’ensemble de la population ».
Le samedi 21 mai 2022 se tiendra la dixième Marche contre Monsanto-Bayer et l’agrochimie. Cette mobilisation annuelle n’est que la partie émergée de nos engagements pour que la biodiversité soit préservée par des pratiques agricoles exemptes de produits chimiques toxiques pour les terres, l’eau, l’air et le vivant dans son ensemble. Nous souhaitons renverser le système mortifère de l’agrochimie motivé par les intérêts capitalistes de quelques-un·es au détriment de la Terre, de ses occupant·es et des générations futures.
« En marche »… avec l’agrochimie
Le mandat d’Emmanuel Macron a été une occasion manquée de transformer radicalement le système agricole. C’est le modèle agro-industriel, pourtant néfaste sur les plans sociaux, économiques, sanitaires et environnementaux, qui a clairement été privilégié lors de ces cinq années. Le glyphosate n’a pas été interdit comme promis par le Président, les composés toxiques non déclarés qui y sont associés continuent d’être ignorés, les néonicotinoïdes ont été de nouveau autorisés, les plans Ecophyto de réduction des pesticides sont un échec cuisant, les nouveaux OGM menacent d’être dérégulés, malgré les conclusions de la CJUE sur leurs risques similaires avec les OGM classiques… Et enfin, la nouvelle Politique Agricole Commune adoptée par l’UE et sa déclinaison en France vont à l’opposé d’une nécessaire transition agricole, comme en témoignent le soutien dérisoire apporté à l’agriculture biologique ou encore les moyens démesurés accordés à l’absurde élevage industriel. Par ailleurs, les lobbies ne se sont jamais aussi bien entendus avec notre chef de l’État, qui soutient ardemment le fantasme d’une agriculture robotisée, numérisée et, littéralement déshumanisée.
Suite au résultat de l’élection présidentielle et à l’aube des élections législatives, nous savons que nous ne pouvons pas compter sur la seule perspective électorale pour rappeler la nécessité d’opérer un changement radical du système agricole français.
Ce sera donc à l’ensemble de la société civile d’exiger l’interdiction des pesticides à base de glyphosate dès la fin 2022, la régulation stricte des nouveaux OGM, la fin de l’utilisation des engrais azotés, et surtout de continuer le combat contre les multinationales de l’agrochimie qui empoisonnent nos terres et nos corps : Monsanto-Bayer mais aussi Yara, Syngenta, BASF, Dow Chemical, et consorts.
Soutenir les procédures judiciaires en cours
La Marche contre Monsanto-Bayer 2022 sera l’occasion de réclamer justice et réparations pour les victimes des multinationales agrochimiques.
Depuis 2018 aux Etats-Unis, plus de 130 000 victimes de Monsanto ont porté plainte contre la firme et certaines ont réussi à la faire condamner en justice à plusieurs centaines de millions de dollars de dommages et intérêts, notamment pour avoir caché la présence des molécules toxiques associées au glyphosate dans le Roundup. En France en 2020, l’agriculteur Paul François a également gagné son combat judiciaire contre Monsanto après 13 ans de procédure.
D’autres recours en justice incarnent ce combat contre les multinationales agrochimiques et leurs poisons qui causent écocides et désastres sanitaires.
C’est le cas de Tran To Nga, 80 ans, victime franco-vietnamienne des épandages d’agent orange pendant la guerre du Vietnam, qui mène une longue lutte judiciaire contre 14 firmes ayant produit l’herbicide, dont Monsanto. Un véritable combat contre Goliath. Elle lutte aussi pour les 3 millions de Vietnamien-nes affecté-es par cette arme cancérigène et tératogène utilisée par l’armée étatsunienne. Une décision en appel est attendue vers 2023 : ne laissons pas le silence s’installer dans l’attente des échéances judiciaires!
Rappelons que les Martiniquais-es et les Guadeloupéen-nes subissent l’empoisonnement au chlordécone, ce pesticide persistant pour 7 siècles dont la toxicité était connue mais qui avait pourtant été autorisé. Les associations de préservation de l’environnement ont déposé plainte il y a 16 ans et l’absence de décision de mise en examen cette année semble conduire vers un non-lieu. Il y a un véritable déni de justice, d’autant plus que la répression policière et judiciaire envers les militant-es et les avocat-es ne faiblit pas. Nous exigeons la condamnation des empoisonneurs, l’indemnisation des victimes et la réparation des préjudices !
Sachant que l’agriculture dans ces îles est dominée par les monocultures de la canne à sucre et de la banane, consommatrices de pesticides de synthèse, dont le glyphosate, en quantités industrielles, il est urgent que ce système de destruction cesse.
Justement, 20 associations ont déjà porté plainte pour fraude suite aux révélations de la présence de résidus de pétrole non déclarés dans les pesticides commercialisés, dont ceux de Monsanto-Bayer. Il est aujourd’hui démontré que les agences de régulation ne font aucun test de toxicité sérieux sur la formulation complète des pesticides avant leur mise sur le marché, contrairement à ce qu’exige la réglementation, sous-estimant ainsi leur toxicité jusqu’à un facteur 1000 !
Ce 21 mai sera donc une mobilisation pour la justice environnementale associée à la dénonciation des injustices et inégalités sociales, raciales, (néo)coloniales et de genre, face à l’agrochimie et aux politiques qui permettent son essor.
Un système non-viable, écocidaire et climaticide
À quand la prise en compte des exploitant-es agricoles pris·es à la gorge par les dettes, contraint·es à toujours plus de productivité et donc empêtré·es dans la spirale infernale des pesticides, semences OGM et autres engrais de synthèse qui polluent les terres sur des générations, impactent les populations, remettent en question la souveraineté et la sécurité alimentaire et menacent la santé de tous·tes ?
À quand le soutien réel aux paysan-nes qui font déjà le choix de l’agroécologie ?
Nous ne pouvons omettre le contexte de cataclysme climatique dont les pays du Sud subissent déjà les conséquences de plein fouet : le modèle agroalimentaire actuel est responsable de plus d’un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Alors, habitant·es de la Terre déterminé·es à promouvoir un autre modèle agricole et alimentaire, écologique, respectueux du vivant et juste socialement pour les paysan-nes et l’ensemble de la population : soyons nombreux·ses dans la rue samedi 21 mai 2022, maintenons la pression sur les acteurs qui empoisonnent notre futur ! Marchons contre Monsanto-Bayer et l’agrochimie !
Un autre monde est possible, et il est déjà en germe.
Signataires : Organisations : Combat Monsanto, Collectif Vietnam-Dioxine, Zéro Chlordécone Zéro Poison, Secrets Toxiques, Nature Rights, Campagne Glyphosate Paris, Unef, Attac France, Youth For Climate, SOL Alternatives Agroécologiques et Solidaires, Bio consom’acteurs, Planteuses Marronnes,
Nature et Progrès, Générations Futures, Amis de la Terre France, Greenpeace France, Notre Affaire à Tous, Objectif Zéro OGM, Mobilizasyon Neg Mawon Doubout, Extinction Rebellion France, Extinction Rebellion Marseille, Ragster
Centre d’Information sur l’Environnement et d’Action pour la Santé, Exister demain, Alternatiba Marseille, Réseau Féministe « Ruptures » (France), OGM dangers, ISF Agrista, Sillage, Wild Legal, CliMates, Voix Déterres, Union syndicale Solidaires, Acides (alliance contre les crimes industriels et pour le droit à un environnement sain), Notre Maison Brûle
Personnalités (noms par ordre alphabétique) : Marie-Christine André, militante, François Béchieau, secrétaire national du MDP, Evelyne Boulongne, porte-parole du MIRAMAP, Steven De Magalhaes, militant du Collectif Vietnam-Dioxine, Gérard Filoche, porte-parole de la Gauche démocratique et sociale, Camille Guénot, bénévole Greenpeace
Jean-Luc Herve, militant Confédération Paysanne, Olivier Keller, de la Confédération Paysanne, Guy Kulitza, ex-Convention Citoyenne pour le Climat
Annie Lahmer, Conseillère Régionale Ecologiste, Orian Lempereur–Castelli, étudiant et militant, Tom Nico, militant Collectif Vietnam-Dioxine, Romain Olla, militant, Malik Salemkour, président de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), Alexia Soyeux, créatrice du podcast Présages, Marie Toussaint, Membre du Parlement européen (Les Verts/ALE), Kim Vo Dinh, militant Collectif Vietnam-Dioxine, Malcom Ferdinand, chercheur au CNRS
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