Communiqué commun signé par la LDH
Le 7 novembre 2024, le Conseil d’État a jugé légales les missions de suivi des « actions de nature idéologiques » confiées à la cellule de gendarmerie Déméter. Cette décision amplifie le signal d’alarme d’un recul manifeste de nos libertés fondamentales. Nous, associations et personnalités, demandons le démantèlement de la cellule Déméter et soutenons la démarche initiée par L214 auprès de la Cour européenne des droits de l’Homme.
Museler les opposants au modèle agricole et alimentaire dominant
Véritable réponse clientéliste de l’État à une demande de deux syndicats – la FNSEA et les Jeunes agriculteurs – la cellule de renseignement et d’enquête « Déméter » a été créée au sein de la gendarmerie nationale, en décembre 2019, via une convention de partenariat entre le ministre de l’Intérieur et ces deux syndicats agricoles.
Le gouvernement de l’époque avait alors prétexté la nécessité de lutter contre un phénomène d’« agribashing » (élément de langage popularisé par la FNSEA pouvant se traduire par « dénigrement du monde agricole ») imputé aux mouvements animalistes et environnementalistes, en se basant sur des chiffres donnés par la FNSEA elle-même.
Si l’agribashing est pure invention, l’impact de la cellule Déméter est quant à lui loin d’être anecdotique. Frôlant l’instauration d’un véritable délit d’opinion, l’État a notamment chargé la cellule Déméter de surveiller et collecter des informations sur les « actions de nature idéologique », dont des actions parfaitement légales, mais qui osent faire la critique de l’élevage intensif, de la (sur)consommation de viande ou de l’usage de pesticides dont la dangerosité est avérée.
Les gendarmes qui la composent ont ainsi pu s’imposer à des réunions d’associations locales œuvrant pour la préservation de l’environnement, interroger – en se rendant à leur domicile ! – des responsables associatifs sur la teneur de leurs activités, convoquer un porte-parole associatif accusé de violation de domicile suite à une simple interview aux abords d’un champ…
Autant d’agissements inacceptables dans une démocratie, et dont l’enjeu n’est même pas la protection des agriculteurs, eux-mêmes victimes de ce modèle agricole polluant et destructeur !
Déméter, la partie émergée de l’iceberg
L’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH) garantit à toute personne le droit à la liberté d’expression, lequel « comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière ».
Or, qu’est-ce que la cellule Déméter sinon un instrument politique d’intimidation destiné à dissuader toute forme de revendication quant à notre modèle agricole et alimentaire ? Et ce, alors même que 80 % des Français soutiennent très majoritairement la réduction de l’utilisation des pesticides et des produits phytosanitaires dans l’agriculture et qu’ils sont 83 % à se prononcer pour l’interdiction de l’élevage intensif.
En cela, la cellule Déméter menace aussi bien les militants animalistes et environnementalistes, que les libertés associatives et le droit fondamental des citoyens à l’information, à l’expression et même à la contestation.
Décrédibilisation en public, menaces de mise sous surveillance, procédures judiciaires, dégradations de biens, attaques frontales des institutions de contrôle et organismes scientifiques… sont autant de procédés déjà largement utilisés par les tenants d’un modèle agricole dont les dommages font pourtant l’objet de nombreuses alertes scientifiques. D’autres industries, comme celles du tabac, de l’alcool et de la malbouffe usent de procédés similaires pour réduire au silence associations, scientifiques, et toute autre personne susceptible de représenter une menace pour leurs intérêts économiques. L’enjeu pour ces industries est d’entraver les alertes car ces dernières peuvent favoriser des modifications législatives permettant de faire reculer les pires pratiques comme ça a déjà été le cas concernant le broyage des poussins, la castration à vif des porcelets ou l’usage de certains pesticides néonicotinoïdes en Europe.
Nos organisations, soutenues par plusieurs centaines de milliers de personnes, ont décidé de faire front au nom des libertés fondamentales et de l’intérêt général qu’il est urgent de défendre. Nous espérons ainsi éviter que de nouvelles déclinaisons de la cellule Déméter ne voient le jour dans le but d’étouffer tout débat public d’intérêt général et de museler les lanceurs d’alerte.
Conscientes de la menace que son existence fait peser sur l’ensemble des organisations de la société civile, nous demandons la dissolution de la cellule Déméter.
Premiers signataires : Pollinis, Générations futures, L214, LDH (Ligue des droits de l’Homme)
lIRE le communiqué au format PDF et consulter LA Liste COMPLèTE des signataires
Paris, le 19 mars 2025