CONSTITUTION DES éTATS-UNIS DU MEXIQUEMexique
5 février 1917
Extraits
TITRE VI Du travail et de la prévoyance sociale
[…]
Article 123 Le Congrès de l’Union, en se conformant aux principes énoncés ci-après, édictera des lois touchant les matières suivantes :
A) Le travail des ouvriers, journaliers, employés, gens de maison et artisans, ainsi que chaque contrat de travail en général :
1. La durée de la journée de travail maximale sera de huit heures.
2. La durée maximale du travail de nuit est fixée à sept heures. Sont interdits : l’emploi des femmes et des mineurs de seize ans à des travaux insalubres ou dangereux ; le travail de nuit dans l’industrie, en ce qui concerne ces deux catégories de travailleurs ; le travail des femmes après 22 h dans les établissements commerciaux, et le travail des mineurs de seize ans après 22 h.
3. Le travail des mineurs de quatorze ans est interdit. La durée maximale du travail des enfants de quatorze à seize ans est fixée à six heures par jour.
4. Pour chaque six jours de travail, le travailleur devra jouir d’au moins un jour de repos.
5. Pendant les trois mois qui précéderont l’accouchement, les femmes ne pourront pas se livrer à des travaux physiques qui exigeraient un effort matériel considérable. Pendant le mois qui suivra l’accouchement, elles jouiront d’un repos obligatoire, elles devront toucher leur salaire complet et conserver leur emploi et les droits qu’elles auraient acquis par leur contrat. Pendant la période de l’allaitement, elles auront deux repos extraordinaires par jour, d’une demi-heure chacun, pour donner le sein à leurs enfants.
6. Le salaire minimum que doit toucher tout travailleur peut être général ou professionnel. Le premier s’applique à une ou plusieurs zones économiques déterminées ; le second, à des secteurs déterminés de l’industrie ou du commerce ou à des professions, arts ou métiers spéciaux. Le salaire minimum général doit être suffisant pour subvenir aux besoins normaux d’un chef de famille, sur les plans matériel, social et culturel, et pour lui permettre de pourvoir à l’instruction obligatoire de ses enfants. Le salaire minimum professionnel sera fixé compte tenu, de surcroît, des conditions qui régissent les diverses activités industrielles et commerciales. Les travailleurs agricoles bénéficieront d’un salaire minimum approprié à leurs besoins. Les salaires minima seront fixés par des commissions régionales composées de représentants ouvriers, patronaux et gouvernementaux, sous réserve de l’approbation d’une commission nationale composée de la même manière.
7. À travail égal doit correspondre un salaire égal, sans égard au sexe ou à la nationalité.
8. Le salaire minimum est exempté de saisie, compensation ou retenue.
9. Les travailleurs ont le droit de participer aux bénéfices des entreprises, conformément aux règles suivantes :
a) une commission nationale, composée de représentants ouvriers, patronaux et gouvernementaux, fixera le pourcentage des bénéfices qui sera réparti entre les travailleurs ;
b) la commission nationale procédera aux enquêtes et études nécessaires et appropriées pour connaître les conditions générales qui régissent l’économie nationale ; elle tiendra également compte de la nécessité d’encourager le développement industriel du pays, des intérêts qui doivent normalement revenir au capital investi et du besoin de réinvestir les sommes engagées ;
c) ladite commission pourra réviser le taux du pourcentage fixé, chaque fois que de nouvelles études et enquêtes justifieront pareille mesure ;
d) la loi pourra exempter de l’obligation de répartition des bénéfices les entreprises nouvellement créées, et ce durant un nombre d’années déterminé et limité, ainsi que les entreprises effectuant des travaux de prospection du sol et exerçant telles autres activités dont la nature ou les conditions particulières d’exploitation justifient pareille mesure ;
e) pour déterminer le montant des bénéfices de chaque entreprise, on prendra comme base le revenu imposable aux termes de la loi relative à l’impôt sur le revenu. Les travailleurs pourront, en se conformant à la procédure fixée par la loi, présenter au service compétent du secrétariat aux Finances et au Crédit public telles objections qu’ils jugeront appropriées ;
f) le droit des travailleurs de participer aux bénéfices n’implique pas le pouvoir d’intervenir dans la direction ou l’administration de l’entreprise.
10. Le salaire devra être payé exactement en monnaie ayant cours légal ; il n’est pas permis de le payer en marchandises, ni avec des bons, fiches ou tel autre signe représentatif qui prétendrait remplacer la monnaie.
11. Lorsque, en raison de circonstances extraordinaires, les heures de la journée de travail devront être augmentées, le salaire pour le temps supplémentaire sera supérieur de cent pour cent à celui qui a été fixé pour les heures normales. En aucun cas, le travail extraordinaire ne pourra dépasser trois heures par jour ni être répété plus de trois jours consécutifs. Les hommes de moins de seize ans et les femmes de n’importe quel âge ne seront pas admis à cette classe de travaux.
12. Dans toute entreprise agricole, industrielle, minière ou dans tout autre genre de travail, les patrons seront tenus de procurer aux travailleurs des logis commodes et hygiéniques, pour lesquels ils pourront percevoir un revenu qui ne dépassera pas mensuellement un demi pour cent de la valeur cadastrale des propriétés. Ils devront également établir des écoles, des infirmeries et autres services nécessaires à la communauté. Si ces entreprises sont situées dans les agglomérations, et si elles occupent un nombre d’ouvriers supérieur à cent, les patrons seront tenus à la première des obligations susdites.
13. En outre, dans ces mêmes centres de travail, si le nombre des ouvriers est supérieur à deux cents, une étendue de terrain qui ne sera pas moindre de 5 000 mètres carrés devra être réservée pour l’établissement de marchés publics, l’installation d’édifices destinés aux services municipaux et de centres de récréation. Dans tout centre de travail, il est défendu d’établir des débits de boissons enivrantes et des maisons de jeux de hasard.
14. Les chefs d’entreprise sont responsables des accidents du travail et des maladies professionnelles des travailleurs survenus en raison de ou pendant l’exercice de la profession ou du travail exécuté ; en conséquence, les patrons devront payer l’indemnité à laquelle il y aura lieu, selon que l’accident aura entraîné la mort ou simplement une incapacité temporaire ou permanente de travail, conformément aux dispositions de la loi. Cette responsabilité subsistera même dans le cas où le patron aurait loué le travail par un intermédiaire.
15. Le patron sera tenu d’observer, dans l’installation de ses établissements, les prescriptions légales sur l’hygiène et la salubrité, et d’adopter les mesures adéquates pour éviter les accidents dans l’usage des machines, instruments et matériel de travail, ainsi que d’organiser celui-ci de façon telle que soit assuré, pour la santé et la vie des travailleurs, le maximum de garantie compatible avec la nature de l’entreprise, et ce sous les peines établies par les lois.
16. Tant les ouvriers que les chefs d’entreprise auront le droit de se coaliser pour la défense de leurs intérêts respectifs, en constituant des syndicats, des associations professionnelles, etc.
17. Les lois reconnaîtront comme un droit des ouvriers et des patrons les grèves et les lock-out.
18. Les grèves seront licites lorsqu’elles auront pour but d’obtenir l’équilibre entre les divers facteurs de la production, en mettant en harmonie les droits du travail et ceux du capital. Dans les services publics, les travailleurs seront tenus de prévenir dix jours à l’avance l’assemblée de conciliation et d’arbitrage de la date fixée pour la suspension du travail. Les grèves seront considérées comme illicites dans les cas seulement où la majorité des grévistes exercerait des actes de violence contre les personnes ou les propriétés ou, en cas de guerre, lorsque lesdites personnes ou propriétés appartiendront à des établissements et services dépendant du gouvernement. Les ouvriers des établissements industriels militaires du gouvernement de la République ne seront pas compris dans les dispositions de ce paragraphe, étant assimilés à l’armée nationale.
19. Les lock-out ne seront licites que lorsque l’excès de production rendra nécessaire la suspension du travail pour maintenir les prix dans une limite rémunératrice, et après approbation de l’assemblée de conciliation et d’arbitrage.
20. Les différends et les conflits entre le capital et le travail seront soumis à la décision d’une assemblée de conciliation et d’arbitrage, composée en nombre égal de représentants des ouvriers et des patrons et d’un représentant du gouvernement.
21. Le refus de l’employeur de régler les différends par voie d’arbitrage ou d’accepter la sentence de la commission met fin au contrat conclu avec le travailleur et l’oblige à payer à ce dernier une indemnité égale à trois mois de salaire, sans préjudice de la responsabilité découlant du différend. La présente disposition n’est pas applicable aux cas prévus à l’alinéa suivant. Le contrat expire également en cas de refus du travailleur de régler le différend.
22. L’employeur qui congédie un travailleur sans motif valable, soit que ce dernier ait adhéré à une association ou à un syndicat, soit qu’il ait pris part à une grève illicite, est tenu, au choix du travailleur, de remplir les obligations auxquelles le contrat l’oblige ou de payer au travailleur une indemnité égale à trois mois de salaire. La loi déterminera les cas dans lesquels l’employeur pourra être exempté, moyennant paiement d’une indemnité, des obligations découlant du contrat. Semblable indemnité est également due lorsque le travailleur quitte le service de l’employeur par suite de l’improbabilité de ce dernier ou des mauvais traitements qu’il a subis de sa part, personnellement ou dans la personne de son épouse, de ses parents, de ses enfants ou de ses frères ou sœurs. L’employeur ne saurait se soustraire à cette responsabilité lorsque les mauvais traitements sont le fait de subordonnés ou de proches agissant avec son consentement exprès ou tacite.
23. En cas de concours entre créanciers ou de faillite, les créances des travailleurs pour salaires et appointements échus au cours de la dernière année, et pour indemnités, auront la préférence sur toutes autres.
24. Le travailleur sera seul responsable des dettes contractées envers ses patrons, les associés de celui-ci, les membres de sa famille ou ses subordonnés ; en aucun cas, et pour aucun motif, elles ne pourront être exigées des membres de la famille de l’ouvrier, et la somme exigible du travailleur ne pourra pas dépasser le montant de son salaire d’un mois.
25. Le service pour le placement des travailleurs sera gratuit pour ceux-ci, qu’il ait lieu par des offices municipaux, par des bourses du travail ou par toute autre institution officielle ou particulière.
26. Tout contrat de travail conclu entre un Mexicain et un chef d’entreprise étranger devra être légalisé par l’autorité municipale compétente et visé par le consul de la Nation où le travailleur devra se rendre ; en plus des clauses ordinaires, ce contrat spécifiera clairement que les frais de rapatriement seront à la charge du chef d’entreprise contractant.
27. Seront nulles, et n’obligeront pas les contractants, malgré qu’elles soient spécifiées dans le contrat, les conditions suivantes :
a) celles qui stipuleraient une journée de travail inhumaine par l’excès de la durée, étant donné le genre de travail ;
b) celles qui fixeraient un salaire non rémunérateur, d’après l’avis des assemblées de conciliation et d’arbitrage ;
c) celles qui stipuleraient un délai de plus d’une semaine pour la perception du salaire ;
d) celles qui indiqueraient un lieu de plaisir, hôtel, café, débit de boissons, cantine ou boutique pour le paiement du salaire quand il ne s’agit pas d’individus employés dans ces établissements ;
e) celles qui comporteraient l’obligation directe ou indirecte d’acquérir les articles de consommation dans des magasins ou endroits déterminés ;
f) celles qui permettraient de retenir le salaire à titre d’amende ;
g) celles qui constitueraient une renonciation par l’ouvrier aux indemnités auxquelles il a droit pour accident du travail, maladies professionnelles, dommages occasionnés par l’inexécution du contrat ou pour licenciement ;
h) toutes les autres stipulations impliquant la renonciation à un droit établi en faveur de l’ouvrier dans les lois de protection et d’aide aux travailleurs. 28. Les lois détermineront les biens constitutifs du patrimoine de la famille, qui seront inaliénables, ne pourront être soumis à des charges réelles ni à saisies et seront transmissibles à titre d’héritage avec simplification des formalités des jugements de succession.
29. L’établissement de la loi sur la sécurité sociale sera considéré comme présentant un intérêt public. Cette loi portera sur les assurances, sur la vie, contre l’invalidité, contre le chômage involontaire, contre la maladie et les accidents ; elle portera également sur d’autres buts analogues.
30. Seront de même considérées d’utilité publique les sociétés coopératives pour la construction de maisons à bon marché et hygiéniques, destinées à être acquises en propriété par les travailleurs, et payables à tempérament.
31. L’application de la législation du travail incombe aux autorités compétentes des États, étant entendu toutefois qu’elle relève exclusivement des autorités fédérales lorsqu’elle vise : les secteurs des industries textile, électrique, cinématographique, caoutchoutière et sucrière, les mines, la pétrochimie, la métallurgie et la sidérurgie, y compris l’exploitation des minéraux de base, leur utilisation et leur fonte, ainsi que la production de fer et d’acier sous toutes leurs formes, y compris leurs alliages et leurs produits laminés, d’hydrocarbures et de ciment, les chemins de fer et les entreprises directement ou indirectement administrées par le gouvernement fédéral ; les entreprises fonctionnant en vertu d’un contrat fédéral ou d’une concession fédérale, ainsi que les industries connexes ; les entreprises qui exécutent des travaux dans les zones fédérales et les eaux territoriales ; les différends qui intéressent deux ou plusieurs circonscriptions fédératives ; les conventions collectives d’extension obligatoire à plus d’une circonscription fédérative, et, enfin, les obligations qui, sur le plan de l’éducation, incombent aux employeurs dans les formes et les délais prévus par la loi.
B) Le travail des fonctionnaires au service des organes de l’Union ou à celui des gouvernements du District fédéral ou des territoires fédéraux :
1. La journée de travail ne pourra excéder huit ou sept heures, selon qu’il s’agit de travail de jour ou de nuit. Toute heure en excédent sera payée comme heure supplémentaire, soit avec un supplément de cent pour cent de la rémunération ordinaire. En aucun cas, les heures supplémentaires ne pourront dépasser trois par jour, ni être accomplies plus de trois jours de suite.
2. Les fonctionnaires bénéficieront d’au moins un jour de repos, intégralement payé, pour six jours de travail.
3. Les fonctionnaires bénéficieront d’un congé annuel d’au moins vingt jours.
4. Les traitements des fonctionnaires seront prévus dans le budget annuel et ne sauraient être diminués au cours de l’année fiscale. En aucun cas, les traitements des fonctionnaires ne seront inférieurs au salaire minimum fixé pour les travailleurs en général.
5. À travail égal devra correspondre un salaire égal, sans qu’il soit tenu compte du sexe du fonctionnaire.
6. Des retenues, défalcations, déductions ou saisies ne pourront être opérées sur le traitement que dans les cas prévus par la loi.
7. Les fonctionnaires seront nommés moyennant des méthodes qui permettent d’apprécier les connaissances et les aptitudes de chaque candidat. L’État créera des écoles d’administration publique.
8. Les fonctionnaires bénéficieront du droit de promotion, de sorte que chaque avancement soit prononcé en fonction des connaissances, des aptitudes et de l’ancienneté de l’intéressé.
9. Les fonctionnaires ne pourront faire l’objet d’une mesure de suspension ou de révocation que dans des cas motivés et sous réserve des délais de préavis prévus par la loi.
10. Les fonctionnaires jouiront du droit d’association en vue de la défense de leurs intérêts communs. Pourvu que soient satisfaites les conditions prévues par la loi à l’égard d’un ou de plusieurs services publics déterminés à cet effet, ils pourront également recourir à la grève au cas où les droits qui leur sont reconnus par le présent article seraient violés de manière générale et systématique.
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