CONVENTION INTERNATIONALE SUR L’éLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION RACIALE
14 décembre 1965
Extraits
Les États parties à la présente convention,
Considérant que la Charte des Nations unies est fondée sur les principes de la dignité et de l’égalité de tous les êtres humains, et que tous les États membres se sont engagés à agir, tant conjointement que séparément, en coopération avec l’Organisation, en vue d’atteindre l’un des buts des Nations unies, à savoir, développer et encourager le respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion,
Considérant que la Déclaration universelle des droits de l’homme proclame que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits et que chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés qui y sont énoncés, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur ou d’origine nationale,
Considérant que tous les hommes sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection de la loi contre toute discrimination et contre toute incitation à la discrimination,
Considérant que les Nations unies ont condamné le colonialisme et toutes les pratiques de ségrégation et de discrimination dont il s’accompagne, sous quelque forme et en quelque endroit qu’ils existent et que la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, du 14 décembre 1960 (résolution 1514 – XV – de l’Assemblée générale), a affirmé et solennellement proclamé la nécessité d’y mettre rapidement et inconditionnellement fin,
Considérant que la Déclaration des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, du 20 novembre 1963 (résolution 1904 – XVIII – de l’Assemblée générale), affirme solennellement la nécessité d’éliminer rapidement toutes les formes et toutes les manifestations de discrimination raciale dans toutes les parties du monde et d’assurer la compréhension et le respect de la dignité de la personne humaine,
Convaincus que toute doctrine de supériorité fondée sur la différenciation entre les races est scientifiquement fausse, moralement condamnable et socialement injuste et dangereuse et que rien ne saurait justifier, où que ce soit, la discrimination raciale, ni en théorie ni en pratique,
Réaffirmant que la discrimination entre les êtres humains pour des motifs fondés sur la race, la couleur ou l’origine ethnique est un obstacle aux relations amicales et pacifiques entre les nations et est susceptible de troubler la paix et la sécurité entre les peuples ainsi que la coexistence harmonieuse des personnes au sein d’un même État,
Convaincus que l’existence de barrières raciales est incompatible avec les idéaux de toute société civilisée,
Alarmés par les manifestations de discrimination raciale qui existent encore dans certaines régions du monde et par les politiques gouvernementales fondées sur la supériorité ou la haine raciale, telles que les politiques d’apartheid, de ségrégation ou de séparation,
Résolus à adopter toutes les mesures nécessaires pour l’élimination rapide de toutes les formes et de toutes les manifestations de discrimination raciale et à prévenir et combattre les doctrines et pratiques racistes afin de favoriser la bonne entente entre les races et d’édifier une communauté internationale affranchie de toutes les formes de ségrégation et de discrimination raciales,
Ayant présentes à l’esprit la Convention concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession et la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement adoptées, respectivement, par l’Organisation internationale du travail, en 1958, et par l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, en 1960,
Désireux de donner effet aux principes énoncés dans la Déclaration des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et d’assurer le plus rapidement possible l’adoption de mesures pratiques à cette fin, Sont convenus de ce qui suit :
PREMIERE PARTIE
Article 1
1. Dans la présente convention, l’expression « discrimination raciale » vise sur toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique.
2. La présente convention ne s’applique pas aux distinctions, exclusions, restrictions ou préférences établies par un État partie à la convention selon qu’il s’agit de ses ressortissants ou de non-ressortissants.
3. Aucune disposition à la présente convention ne peut être interprétée comme affectant de quelque manière que ce soit les dispositions législatives des États parties à la convention concernant la nationalité, la citoyenneté ou la naturalisation, à condition que ces dispositions ne soient pas discriminatoires à l’égard d’une nationalité particulière.
4. Les mesures spéciales prises à seule fin d’assurer comme il convient le progrès de certains groupes raciaux ou ethniques ou d’individus ayant besoin de la protection qui peut être nécessaire pour leur garantir la jouissance et l’exercice des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans des conditions d’égalité ne sont pas considérées comme des mesures de discrimination raciale, à condition toutefois qu’elles n’aient pas pour effet le maintien de droits distincts pour des groupes raciaux différents et qu’elles ne soient pas maintenues en vigueur une fois atteints les objectifs auxquels elles répondaient.
Article 2
1. Les États parties condamnent la discrimination raciale et s’engagent à poursuivre par tous les moyens appropriés et sans retard une politique tendant à éliminer toute forme de discrimination raciale et à favoriser l’entente entre toutes les races, et à cette fin :
a) chaque État partie s’engage à ne se livrer à aucun acte ou pratique de discrimination raciale contre des personnes, groupes de personnes ou institutions et à faire en sorte que toutes les autorités publiques et institutions publiques, nationales et locales, se conforment à cette obligation ;
b) chaque État partie s’engage à ne pas encourager, défendre ou appuyer la discrimination raciale pratiquée par une personne ou une organisation quelconque ;
c) chaque État partie doit prendre des mesures efficaces pour revoir les politiques gouvernementales nationales et locales et pour modifier, abroger ou annuler toute loi et toute disposition réglementaire ayant pour effet de créer la discrimination raciale ou de la perpétuer là où elle existe ;
d) chaque État partie doit, par tous les moyens appropriés, y compris, si les circonstances l’exigent, des mesures législatives, interdire la discrimination raciale pratiquée par des personnes, des groupes ou des organisations et y mettre fin ;
e) chaque État partie s’engage à favoriser, le cas échéant, les organisations et mouvements intégrationnistes multiraciaux et d’autres moyens propres à éliminer les barrières entre les races, et à décourager ce qui tend à renforcer la division raciale.
2. Les États parties prendront, si les circonstances l’exigent, dans les domaines social, économique, culturel et autres, des mesures spéciales et concrètes pour assurer comme il convient le développement ou la protection de certains groupes raciaux ou d’individus appartenant à ces groupes en vue de leur garantir, dans des conditions d’égalité, le plein exercice des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ces mesures ne pourront en aucun cas avoir pour effet le maintien de droits inégaux ou distincts pour les divers groupes raciaux, une fois atteints les objectifs auxquels elles répondaient.
Article 3 Les États parties condamnent spécialement la ségrégation raciale et l’apartheid et s’engagent à prévenir, à interdire et à éliminer, sur les territoires relevant de leur juridiction, toutes les pratiques de cette nature.
Article 4 Les États parties condamnent toute propagande et toutes organisations qui s’inspirent d’idées ou de théories fondées sur la supériorité d’une race ou d’un groupe de personnes d’une certaine couleur ou d’une certaine origine ethnique, ou qui prétendent justifier ou encourager toute forme de haine et de discrimination raciales, et ils s’engagent à adopter immédiatement des mesures positives destinées à éliminer toute incitation à une telle discrimination, ou tous actes de discrimination ; à cette fin, tenant compte des principes formulés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et des droits expressément énoncés à l’article 5 de la présente convention, ils s’engagent notamment ;
a) à déclarer délits punissables par la loi toute diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale, toute incitation à la discrimination raciale, ainsi que tous actes de violence, ou provocation à de tels actes, dirigés contre toute race ou tout groupe de personnes d’une autre couleur ou d’une autre origine ethnique, de même que toute assistance apportée à des activités racistes, y compris leur financement ;
b) à déclarer illégales et à interdire les organisations ainsi que les activités de propagande organisée et tout autre type d’activité de propagande qui incitent à la discrimination raciale et qui l’encouragent et à déclarer délit punissable par la loi la participation à ces organisations ou à ces activités ;
c) à ne pas permettre aux autorités publiques ni aux institutions publiques, nationales ou locales, d’inciter à la discrimination raciale ou de l’encourager.
Article 5 Conformément aux obligations fondamentales énoncées à l’article 2, les États parties s’engagent à interdire et à éliminer la discrimination raciale sous toutes ses formes et à garantir le droit de chacun à l’égalité devant la loi sans distinction de race, de couleur ou d’origine nationale ou ethnique, notamment dans la jouissance des droits suivants :
a) droit à un traitement égal devant les tribunaux et tout autre organe administrant la justice ;
b) droit à la sûreté de la personne et à la protection de l’État contre les voies de fait ou les sévices de la part, soit de fonctionnaires du gouvernement, soit de tout individu, groupe ou institution ;
c) droits politiques, notamment droit de participer aux élections – de voter et d’être candidat – selon le système du suffrage universel et égal, droit de prendre part au gouvernement, ainsi qu’à la direction des affaires publiques, à tous les échelons, et droit d’accéder, dans des conditions d’égalité, aux fonctions publiques ;
d) autres droits civils, notamment :
1. droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État ;
2. droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays ;
3. droit à une nationalité ;
4. droit de se marier et de choisir son conjoint ;
5. droit de toute personne, aussi bien seule qu’en association, à la propriété ;
6. droit d’hériter ;
7. droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ;
8. droit à la liberté d’opinion et d’expression ; 9. droit à la liberté de réunion et d’association pacifique ;
e) droits économiques, sociaux et culturels, notamment :
1. droits au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail, à la protection contre le chômage, à un salaire égal pour un travail égal, à une rémunération équitable et satisfaisante ;
2. droit de fonder des syndicats et de s’affilier à des syndicats ;
3. droit au logement ;
4. droit à la santé, aux soins médicaux, à la sécurité sociale et aux services sociaux ;
5. droit à l’éducation et à la formation professionnelle ;
6. droit de prendre part, dans des conditions d’égalité, aux activités culturelles ;
f) droit d’accès à tous lieux et services destinés à l’usage du public, tels que moyens de transport, hôtels, restaurants, cafés, spectacles, parcs.
Article 6 Les États parties assureront à toute personne soumise à leur juridiction une protection et une voie de recours effectives, devant les tribunaux nationaux et autres organismes d’État compétents, contre tous actes de discrimination raciale qui, contrairement à la présente convention, violeraient ses droits individuels et ses libertés fondamentales, ainsi que le droit de demander à ces tribunaux satisfaction ou réparation juste et adéquate pour tout dommage dont elle pourrait être victime par suite d’une telle discrimination.
Article 7 Les États parties s’engagent à prendre des mesures immédiates et efficaces, notamment dans les domaines de l’enseignement, de l’éducation, de la culture et de l’information, pour lutter contre les préjugés conduisant à la discrimination raciale et favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre Nations et groupes raciaux ou ethniques, ainsi que pour promouvoir les buts et principes de la Charte des Nations unies, de la Déclaration universelle des droits de l’homme, de la Déclaration des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et de la présente convention.
DEUXIEME PARTIE
Article 8
1. Il est constitué un comité pour l’élimination de la discrimination raciale (ci-après dénommé « le comité »), composé de dix-huit experts connus pour leur haute moralité et leur impartialité, qui sont élus par les États parties parmi leurs ressortissants et qui siègent à titre individuel, compte tenu d’une répartition géographique équitable et de la représentation des différentes formes de civilisation ainsi que des principaux systèmes juridiques.
2. Les membres du comité sont élus au scrutin secret sur une liste de candidats désignés par les États parties. Chaque État partie peut désigner un candidat choisi parmi ses ressortissants.
[…]
Article 9
1. Les États parties s’engagent à présenter au secrétaire général, pour examen par le comité, un rapport sur les mesures d’ordre législatif, judiciaire, administratif ou autre qu’ils ont arrêtées et qui donnent effet aux dispositions de la présente convention :
a) dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la convention, pour chaque État intéressé en ce qui le concerne et
b) par la suite, tous les deux ans et en outre chaque fois que le comité en fera la demande. Le comité peut demander des renseignements complémentaires aux États parties.
2. Le comité soumet chaque année à l’Assemblée générale, par l’intermédiaire du secrétaire général, un rapport sur ses activités et peut faire des suggestions et des recommandations d’ordre général fondées sur l’examen des rapports et des renseignements reçus des États parties. Il porte ces suggestions et recommandations d’ordre général à la connaissance de l’Assemblée générale avec, le cas échéant, les observations des États parties.
Article 11
1. Si un État partie estime qu’un autre État également partie n’applique pas les dispositions de la présente convention, il peut appeler l’attention du comité sur la question. Le comité transmet alors la communication à l’État partie intéressé. Dans un délai de trois mois, l’État destinataire soumet au comité des explications ou déclarations écrites éclaircissant la question et indiquant, le cas échéant, les mesures qui peuvent avoir été prises par ledit État pour remédier à la situation.
2. Si, dans un délai de six mois à compter de la date de réception de la communication originale par l’État destinataire, la question n’est pas réglée à la satisfaction des deux États, par voie de négociations bilatérales ou par toute autre procédure qui serait à leur disposition, l’un comme l’autre auront le droit de la soumettre à nouveau au comité en adressant une notification au comité ainsi qu’à l’autre État intéressé.
3. Le comité ne peut connaître d’une affaire qui lui est soumise conformément au paragraphe 2 du présent article qu’après s’être assuré que tous les recours internes disponibles ont été utilisés ou épuisés, conformément aux principes de droit international généralement reconnus. Cette règle ne s’applique pas si les procédures de recours excèdent des délais raisonnables.
4. Dans toute affaire qui lui est soumise, le comité peut demander aux États parties en présence de lui fournir tout renseignement complémentaire pertinent.
5. Lorsque le comité examine une question en application du présent article, les États parties intéressés ont le droit de désigner un représentant qui participera sans droit de vote aux travaux du comité pendant toute la durée des débats.
Article 14
1. Tout État partie peut déclarer à tout moment qu’il reconnaît la compétence du comité pour recevoir et examiner des communications émanant de personnes ou de groupes de personnes relevant de sa juridiction, qui se plaignent d’être victimes d’une violation, par ledit État partie, de l’un quelconque des droits énoncés dans la présente convention. Le comité ne reçoit aucune communication intéressant un État partie qui n’a pas fait une telle déclaration.
2. Tout État partie qui fait une déclaration conformément au paragraphe 1 du présent article peut créer ou désigner un organisme dans le cadre de son ordre juridique national, qui aura compétence pour recevoir et examiner les pétitions émanant de personnes ou de groupes de personnes relevant de la juridiction dudit État qui se plaignent d’être victimes d’une violation de l’un quelconque des droits énoncés dans la présente convention et qui ont épuisé les autres recours locaux disponibles.
3. L’organisme créé ou désigné conformément au paragraphe 2 du présent article devra tenir un registre des pétitions et des copies certifiées conformes du registre seront déposées chaque année auprès du secrétaire général par les voies appropriées, étant entendu que le contenu desdites copies ne sera pas divulgué au public.
4. S’il n’obtient pas satisfaction de l’organisme créé ou désigné conformément au paragraphe 2 du présent article, le pétitionnaire a le droit d’adresser, dans les six mois, une communication à cet effet au comité.
5.
a) Le comité porte, à titre confidentiel, toute communication qui lui est adressée à l’attention de l’État partie qui a prétendument violé l’une quelconque des dispositions de la convention, mais l’identité de la personne ou des groupes de personnes intéressés ne peut être révélée sans le consentement exprès de ladite personne ou desdits groupes de personnes. Le comité ne reçoit pas de communications anonymes.
b) Dans les trois mois qui suivent, ledit État soumet par écrit au comité des explications ou déclarations éclaircissant la question et indiquant, le cas échéant, les mesures qu’il pourrait avoir prises pour remédier à la situation.
6. a) Le comité examine les communications en tenant compte de toutes les informations qui lui sont soumises par l’État partie intéressé et par le pétitionnaire. Le comité n’examinera aucune communication d’un pétitionnaire sans s’être assuré que celui-ci a épuisé tous les recours internes disponibles. Toutefois, cette règle ne s’applique pas si les procédures de recours excèdent des délais raisonnables.
b) Le comité adresse ses suggestions et recommandations éventuelles à l’État partie intéressé et au pétitionnaire.
7. Le comité inclut dans son rapport annuel un résumé de ces communications et, le cas échéant, un résumé des explications et déclarations des États parties intéressés ainsi que de ses propres suggestions et recommandations.
8. Le comité n’a compétence pour s’acquitter des fonctions prévues au présent article que si au moins dix États parties à la convention sont liés par des déclarations faites conformément au paragraphe 1 du présent article.
[…]
Article 19
1. La présente convention entrera en vigueur le trentième jour qui suivra la date du dépôt, auprès du secrétaire général de l’Organisation des Nations unies du vingt-septième instrument de ratification ou d’adhésion.
2. Pour chacun des États qui ratifieront la présente convention ou y adhéreront après le dépôt du vingt-septième instrument de ratification ou d’adhésion, ladite convention entrera en vigueur le trentième jour après la date du dépôt par cet État de son instrument de ratification ou d’adhésion.