EDITO Nous savons bien qu’il est des paix lâches et injustes. Mais on ne fait pas la guerre pour se donner bonne conscience et il ne suffit pas de la mener au nom du droit. Encore faut-il qu’elle soit susceptible de rétablir le droit. Nous devons bien constater aujourd’hui que les bombardements sur Belgrade ont rassemblé le peuple serbe autour de son dictateur criminel et n’ont pu éviter que les populations albanaises du Kosovo soient victimes de la plus atroce des purifications ethniques, martyrisées et chassées de leurs maisons et de leur pays. Ce n’est pas l’intervention de l’OTAN qui est responsable des crimes commis contre ce peuple. Les criminels sont Slobodan Milosevic, son gouvernement et sa soldatesque. Ils n’ont fait là qu’achever ce qu’ils avaient commencé depuis des années et qu’ils avaient résolu d’accomplir. Ils devront un jour en répondre. Il faut d’abord parer au plus urgent, secourir les Kosovars, leur donner asile, et les accueillir s’ils le souhaitent. Nulle réticence, nulle réserve du gouvernement n’est à ce sujet tolérable. Il faut aussi, même si cela nous paraît aujourd’hui bien difficile, que nous trouvions les moyens de renouer le dialogue avec les démocrates serbes. Parce qu’on ne saurait accepter la politique du fait accompli, tolérer que s’installent des camps de Kosovars, comme il existe des camps de Palestiniens depuis cinquante ans, il faut trouver les voies qui permettront au plus vite le retour de ces populations dans leur pays en préservant désormais leur sécurité. Qui peut sérieusement croire aujourd’hui que c’est en amplifiant les frappes, en écrasant toujours plus la Serbie, le Kosovo voire le Monténégro sous les bombes qu’on rétablira le droit ? Ceux qui ont utilisé la force, au nom du droit certes, mais hors des mécanismes qui auraient engagé la communauté internationale toute entière, ne sauraient prétendre, à eux seuls, rétablir par la force la paix, l’ordre et la justice. Il est grand temps que l’ONU reprenne ses droits et fasse usage de ses prérogatives en matière de rétablissement de la paix, de protection du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et de « respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales », en réunissant son assemblée générale si le Conseil de sécurité se révèle impuissant et en utilisant, s’il le faut, la force. C’est aussi la communauté internationale qui devra demain juger les criminels et organiser un régime de droit mondial qui permette enfin – dans les Balkans et ailleurs – au nom des valeurs communes de l’humanité, que des peuples puissent vivre ensemble dans la diversité de leurs cultures, de leurs langues, de leurs religions, lorsqu’ils partagent la même terre, voire lorsqu’ils ont le même État.