La défense des droits de l’homme exige que soit reconnu et appliqué pleinement un droit d’ingérence et d’intervention y compris militaire
1) Pourquoi un droit d’ingérence est-il légitime ?
La reconnaissance des droits individuels, comme celle des droits des peuples, transcende les souverainetés nationales. Se réfugier derrière la souveraineté des Etats comme excuse légale pour se contenter de regarder se commettre les pires atrocités ou injustices, c’est admettre qu’il existerait une inégalité en droit des Hommes et que le droit des Etats pourrait avoir un autre but que celui d’assurer l’égalité des droits.
Sauf à considérer que les droits sont sécables ou supportent une quelconque théorie des climats, il est évident qu’assurer, hors la volonté des Etats, le respect des droits individuels et collectifs justifie l’intervention directe, fût-elle militaire.
2) Quel fondement légal ?
Historiquement, la question du droit d’ingérence se pose avant la fin de la Seconde guerre mondiale (confère SDN).
Après la fin de la Seconde guerre mondiale, et bien que cela s’inscrive dans le cadre de la lutte des deux supers puissances de l’époque, la première intervention militaire de l’ONU, légitimée par cette organisation, c’est la guerre de Corée.
Il n’est pas inintéressant de se rappeler la manière dont elle a été décidée :
Le 13 janvier 1950, l’URSS annonçait qu’elle ne prendrait pas part aux travaux du Conseil de sécurité tant que « n’aurait pas été écarté de celui-ci le représentant du groupe du Kuo Min Tang ». L’article 27 de la Charte précisant que les décisions du Conseil (à l’exception des questions de procédure) « sont prises par un vote affirmatif de sept de ses membres, dans lequel sont comprises les voix de tous les membres permanents », elle pensait être à l’abri de toute surprise. Pourtant, profitant de cette absence, le Conseil de sécurité adoptait le 27 juin 1950 par 7 voix contre une et deux abstentions la résolution de soutien à la Corée du Sud qui allait permettre l’engagement des troupes US (mais pas seulement elles) sous la bannière de l’ONU. On admet, depuis cette date, que les membres permanents du Conseil de sécurité, contrairement à la lettre de la Charte, disposent d’un « simple » droit de veto.
On relèvera que les dispositions littérales de la Charte ont été violées et sont plus contraignantes que ce que l’on imagine, notamment en ce qui concerne un « droit de veto » qui exige une manifestation de volonté d’un des membres du Conseil de sécurité alors que la Charte prévoit une disposition bien plus contraignante, l’exigence d’un vote positif.
Les USA souhaitant une base juridique pour franchir le 38e parallèle, à leur initiative l’assemblée générale fut saisie d’une nouvelle résolution permettant de « prendre toutes les mesures appropriées pour assurer une situation stable dans l’ensemble de la Corée ». Cette résolution a été approuvée le 7 octobre 1950, sur la base d’une interprétation de l’article 12 de la Charte qui stipule que « tant que le Conseil de sécurité remplit (…) les fonctions qui lui sont attribuées (…) l’assemblée générale ne doit faire aucune recommandation ».
Cette interprétation fut validée de manière plus formelle par une résolution du 3 novembre 1950 qui précise que dans tous les cas de menace de paix ou d’agression, quand, du fait d’un veto d’un de ses membres, le Conseil de sécurité « manque à s’acquitter de sa responsabilité principale »l’assemblée générale « examinerait immédiatement la question afin de faire aux membres les recommandations appropriées sur les mesures collectives à prendre », lesquelles incluent l’emploi de la force armée.
L’article 18 de la Charte précise que chaque membre de l’assemblée générale dispose d’une voix et que les décisions importantes sont prises à la majorité des deux tiers. Les recommandations relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationale sont considérées comme importantes.
On relèvera :
– Indépendamment de l’intérêt des USA, l’intérêt que présentent ces dispositions qui autorisent le contournement du droit de veto des membres permanents du Conseil de sécurité.
– Le fait qu’elles n’ont jamais été appliquées depuis, même et y compris quand cela aurait pu et aurait dû être fait comme dans l’affaire du Kosovo.
Aucune de ces dispositions n’autorise, stricto sensu, une intervention pour une autre raison que la « maintien de la paix ou la réponse à une agression ».
D’où si l’intervention au Koweït ne souffre aucune contestation quant à sa légalité, c’est par une interprétation extensive que les alliés interviennent au Kurdistan irakien.
Il y a là une jurisprudence purement prétorienne dont le principe est satisfaisant mais qui est d’une légalité, mais pas d’une légitimité, douteuse.
3) Une approche et une époque différentes
Même si les principes qui fondent ce droit d’ingérence paraissent évidents, ils n’ont jamais été mis en œuvre tant que l’équilibre mondial s’appuyait sur la rivalité USA/URSS.
Chacun faisait ses petites affaires dans son coin en ayant l’assurance que le conflit se limiterait à des bras séculiers sans que les duettistes se trouvent directement face à face. A l’exception de la guerre de Corée qui verra l’intervention de la Chine (mais qui n’était pas une puissance nucléaire à cette époque), aucun conflit ne verra une confrontation directe entre USA et URSS.
La chute de l’URSS, le fait qu’il soit difficile pour les Etats de se satisfaire de cette chute au nom des libertés et de tolérer des dictatures ailleurs (même si…), l’intérêt des USA devenus la seule puissance mondiale, ouvraient la voie à ces interventions d’un nouveau genre.
Ce droit est aujourd’hui mal appliqué et par des institutions inadéquates.
– Ce droit est applique de manière distributive
– Au gré des rapports de force
– Sous la mainmise de fait des USA
– Par des organes n’ayant aucun pouvoir politique et/ou militaire
LA DEFENSE DES DROITS DE L’HOMME IMPLIQUE UNE REPONSE POLITIQUE A CETTE QUESTION
– Ce n’est pas parce que la manière d’appliquer ce droit d’ingérence supporte des critiques qu’il faut jeter le bébé avec l’eau du bain
– On ne peut au prétexte de réflexions purement contingentes aussi importantes soient-elles méconnaître nos principes
– On ne peut continuer à se contenter de proclamer que la défense des droits de l’homme exige que…
– On ne peut se dispenser de rappeler que les droits de l’homme ne sont pas une politique mais le fondement de celle-ci
– D’où la nécessité d’apporter une réponse politique nécessaire au respect des principes posés par les droits de l’homme
– Ce qui implique de réfléchir à l’organisation mondiale qu’est l’ONU, aux rapports de force et de contrôle à mettre en place.