Tribune collective signée par Nathalie Tehio, présidente de la LDH
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On ne peut concevoir de dignité humaine sans l’accès au logement. Pourtant, en France, des milliers de personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie sont privées d’un logement adapté, ce qui constitue une atteinte à leurs droits fondamentaux. Une personne en situation de handicap sur deux rencontre des difficultés d’accès au logement. 675 000 de nos concitoyens ne parviennent pas à sortir seuls de chez eux, et 300 000 avec beaucoup de difficultés, ce qui les contraint à des conditions de vie indignes. En 2023, le Comité des droits sociaux du Conseil de l’Europe a condamné la France pour ces multiples atteintes aux droits des personnes handicapées.
C’est le résultat d’une discrimination structurelle, profondément ancrée dans notre société. Mais ça n’est pas une fatalité. Face à cette injustice, garantir l’accessibilité universelle des logements n’est plus seulement une nécessité, mais une urgence vitale.
Vingt ans après la loi du 11 février 2005, qui fixait un objectif d’accessibilité ambitieux et quasi intégral pour les constructions neuves, l’échec est manifeste. La loi Elan de 2018 a marqué un recul majeur en abaissant l’obligation d’accessibilité des nouvelles constructions à 20 % de ses logements, sacrifiant ainsi le principe fondamental de « l’accessibilité de tous à tout » aux intérêts privés des acteurs du secteur du bâtiment, dont l’agenda reste inchangé : alléger les normes pour maximiser la rentabilité du bâti, au détriment de la dignité humaine, reléguée au second plan.
Pour les personnes handicapées, la quête d’un logement est un parcours du combattant. Elles mettent plus de temps à accéder à un logement, encore plus à en trouver un abordable, et parviennent trop rarement à en obtenir un véritablement adapté à leurs besoins. Aujourd’hui, seuls 18% des logements sociaux sont considérés comme accessibles, et 6% se retrouvent véritablement adaptés à la personne qui l’occupe. Les personnes handicapées font l’objet de discriminations inacceptables : elles ont 14 % de chances en moins d’obtenir un logement social, alors qu’elles sont censées être prioritaires.
Les personnes en situation de handicap subissent de plein fouet l’entrelacement des discriminations. Elles sont maintenues dans la précarité par des allocations insuffisantes et une mise à l’écart du marché du travail. Ne pas avoir les moyens de refaire son appartement, c’est être condamné à vivre dans des conditions indignes qui aggravent la dépendance et l’isolement. Ce système repose de fait sur l’idée que l’accès à des conditions de vie dignes serait un luxe, et non un droit.
Nous devons mettre fin à ces situations inhumaines. Le Parlement doit légiférer pour se doter d’un arsenal législatif ambitieux et contraignant pour les propriétaires et les bailleurs, sur le neuf comme sur l’existant.
L’État doit être au rendez-vous des besoins financiers supplémentaires que cette humanité exige. C’est le sens de notre proposition de loi transpartisane qui contribuera à ce combat essentiel : 100 % de logements neufs accessibles, facilitation des travaux d’adaptation en copropriété, objectifs de rattrapage de logements adaptés dans le parc social, augmentation des aides à l’adaptation des logements dans le parc privé.
L’accessibilité nous concerne toutes et tous, en premier lieu les personnes handicapées et leurs proches, mais également les personnes âgées en perte d’autonomie, ou encore les familles avec des enfants en bas âge et des poussettes.
Faire de l’accessibilité une priorité, c’est promouvoir l’autonomie de chacune et chacun, quel que soit son âge ou sa situation. Une société accessible est une société qui refuse l’exclusion et permet à chaque individu de choisir librement son mode de vie, sans dépendre de l’aide d’un tiers. C’est une société fondée sur le principe d’auto-détermination, où chaque personne peut pleinement exercer ses droits, notamment celui de se loger.
Signataires : Anaïs Belouassa Cherifi, députée LFI du Rhône, Alma Dufour, députée LFI de la Seine-Maritime, Sébastien Peytavie, député de Dordogne, Écologiste et social, Manuel Domergue, président de la Fondation pour le logement des défavorisés, Nathalie Tehio, présidente de la LDH (Ligue des droits de l’Homme), Pierre-Yves Baudot, professeur de sociologie, université Paris-Dauphine/PSL, Nabéla Aïssaoui, activiste pour le droit des personnes handicapées