Préface d’Henri Leclerc à l’ouvrage d’Éliane Lucas, Étude sur Victor Hugo – Le dernier jour d’un condamné, publié en juin 2000 aux éditions Ellipses dans la collection « Résonances » :
Lorsqu’en 1832, trois ans après la parution du Dernier jour d’un condamné, Victor Hugo en écrit la préface, il « avoue hautement » que ce livre n’est qu’un « plaidoyer, direct ou indirect, comme on voudra, pour l’abolition de la peine de mort ». C’est le point de départ du combat inlassable qu’il mènera toute sa vie contre le châtiment suprême. Il disait : « Le XVIIIe siècle a aboli la torture, le XIXe abolira la peine de mort ». Il faudra, en France, attendre la fin du XXe siècle, 1981, pour que les deux chambres, à l’appel du nouveau ministre de la Justice, Robert Badinter, mettent fin à cette survivance de la barbarie. Si aujourd’hui elle a pratiquement disparu en Europe, comment oublier ce qui se passe à travers le monde et aujourd’hui aux États-Unis, cette nation « sommet de tout un monde » et « qui porte sur son front l’immense lumière libre », comme la qualifiait Victor Hugo lorsqu’en 1859 il la suppliait vainement d’éviter la mort d’un certain John Brown. Des milliers d’hommes, de femmes et même d’adolescents y vivent dans les « couloirs de la mort » pendant des années les affres du condamné du Dernier jour, avant d’être électrocutés, fusillés, pendus, asphyxiés ou empoisonnés. Le combat de Victor Hugo n’est pas achevé. Il nous a laissé ce livre admirable. Car Le dernier jour d’un condamné n’est pas seulement un cri, un « plaidoyer », c’est une grande œuvre littéraire. Éliane Lucas révèle les mécanismes de la force bouleversante de ce texte court, qui se contente de montrer l’horreur du châtiment inhumain et dégradant par la lente agonie dans le cachot de celui qui attend la mort. Son étude pénétrante est un guide précieux pour tous, ceux qui connaissent déjà le livre et le retrouvent et ceux qui, l’ignorant encore, vont avoir la chance de la découvrir.