La Cour suprême de Côte d’Ivoire vient d’arrêter la liste des candidats qui seront admis à se présenter à la prochaine élection présidentielle : sur dix-neuf candidats à la candidature, quatorze ont été exclus, dont les représentants des trois grands partis du pays, le RDR (M. Ouattara) et le PDCI (M. Bombet). Ainsi la restauration de la légalité et les élections libres promises par le général Gueï aussitôt après son coup d’Etat de l’an dernier sont vidées de toute signification. Ni les prétextes avancés – l’exultation xénophobe d’une « ivoirité » aux contours mal définis – ni la douteuse indépendance d’une Cour présidée par l’ancien conseiller juridique du général Gueï ne peuvent donner le change sur la véritable nature de l’opération : le général Gueï étant le seul candidat de poids autorisé à concourir, la Côte d’Ivoire vient de franchir un nouveau pas vers l’établissement d’une dictature militaire. La multiplication des actes d’intimidation – arrestations arbitraires d’opposants, saccage des permanences des partis d’opposition, journalistes « passés à tabac » – confirme les pires inquiétudes. Cette évolution est d’autant plus navrante que, durant les dernières années du pouvoir du président Houphouët Boigny, la Côte d’Ivoire s’était avancée sur la voie d’une démocratie pluraliste, respectueuse des libertés d’expression et d’association. L’importance des positions de la France en Côte d’Ivoire, l’étroitesse des relations entre les deux pays depuis 1960 confèrent à notre gouvernement une responsabilité particulière. Il ne saurait rester spectateur indifférent devant l’évolution en cours ; il lui appartient de rappeler fermement à ses interlocuteurs ivoiriens que la France ne saurait coopérer pleinement qu’avec des pays démocratiques, adhérant aux principes fondamentaux de la liberté et de l’égalité des citoyens.
Paris, le 13 octobre 2000