Sans même engager le débat politique d’orientation sur la maîtrise des flux migratoires – pourtant envisagé lors du sommet de Nice -, les représentants des Quinze, et semble-t-il particulièrement la France, paraissent décidés à développer un arsenal de répression et de rejet visant en priorité les demandeurs d’asile. Installant, une nouvelle fois, la confusion entre la nécessité d’une régulation des flux migratoires et les principes fondamentaux du droit d’asile, les orientations esquissées par les ministres européens de l’Intérieur et de la Justice à Stockholm et les décisions prises lors du sommet franco-britannique de Cahors sont empreintes de cynisme et d’une certaine dose d’indécence. Comment qualifier autrement la demande britannique de réviser la Convention de Genève, au prétexte que l’accroissement des demandes d’asile témoignerait de son inadaptation. Ainsi un texte qui, depuis 50 ans, fonde le statut de réfugié serait caduc dès lors que les demandes d’asile augmenteraient ! C’est régler de façon un peu rapide l’incapacité manifeste de la France et du Royaume-Uni à offrir des conditions d’accueil administratif et social décentes aux étrangers qui se présentent à leurs frontières… Parce que le dispositif d’hébergement d’urgence est saturé, parce que les centres d’accueil sont engorgés, parce que des familles entières se retrouvent sans abri, l’Europe devrait redéfinir les critères de l’asile et déterminer à l’avance « les pays sûrs » dont les ressortissants produiraient des demandes « manifestement infondées » et seraient donc automatiquement rejetées. Et que dire, également, de cet accord franco-britannique sur le déploiement de contrôles policiers des déplacements entre la France et le Royaume-Uni – quitte à renier le principe de libre circulation intracommunautaire – comme seule réponse à l’attrait que la richesse de l’Europe exerce sur des populations étrangères. La mort des 58 Chinois de Douvres, en juin dernier, est bien vite oubliée qui pourtant démontrait que la volonté d’élever des frontières dites infranchissables n’arrêtera pas ceux qui cherchent des conditions de vie meilleure, même au risque d’y perdre leur vie. Enfin, comment ne pas voir l’indécence qu’il y a à décider de cet arsenal répressif, de cette violence faite à des populations en urgence de survie, dans le même temps que les entreprises européennes, relayées par certains hommes politiques, plaident pour une ouverture des frontières à une main-d’œuvre qualifiée. Comme elle l’a fait à plusieurs reprises, la LDH appelle l’Europe, et d’abord le gouvernement français, à engager sans tarder une véritable réflexion sur une politique européenne d’immigration cohérente et respectueuse des Hommes. Elle insiste particulièrement pour que le gouvernement français prenne les mesures d’urgence qui s’imposent pour améliorer l’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile dans des conditions respectueuses des conventions internationales.