Le gouvernement a présenté des projets de loi afin de mieux lutter contre le terrorisme. L’annonce publique qui en a été faite par le Premier ministre a soulevé des inquiétudes ; la lecture du détail des textes montre que celles-ci n’étaient pas excessives. Que le gouvernement lutte contre le terrorisme, nul n’y trouve à redire et certes pas la LDH. Qu’en revanche, sous ce couvert, il s’attaque aux libertés par des mesures qui ne concernent en rien le terrorisme constitue un manquement patent à l’éthique politique. Toutes les sections ont reçu l’analyse de ces textes : on y constate, en fait, un accroissement des pouvoirs de police pour d’autres buts que celui officiellement proclamé. En élargissant l’objet de ces textes au trafic et à la détention de drogue, on voit bien que la volonté des pouvoirs publics s’inscrit dans un autre débat : celui de la délinquance. Le subterfuge est habituel dira-t-on, il n’en reste pas moins inadmissible. Il suffit d’ailleurs de prendre connaissance des réactions des syndicats de police qui sont tous satisfaits des mesures prises, non parce qu’elles faciliteront leur lutte contre le terrorisme, mais parce qu’elles leurs donnent de plus grands moyens pour contrôler les étrangers, les petits délinquants, etc. Si l’on sait qu’à ce jour le seul résultat concret du plan Vigipirate réside dans l’arrestation massive d’étrangers en situation irrégulière, on imagine ce que sera l’application de ces mesures et la dimension discriminatoire des contrôles, notamment dans les quartiers en difficulté. Le gouvernement aurait voulu accroître les tensions qu’il ne s’y serait pas pris autrement. A cela s’ajoute un processus qui porte atteinte au débat démocratique : la procédure qui a été suivie autorise le gouvernement à se passer de l’avis du Conseil d’État et de la CNCDH et à réduire le débat parlementaire à sa plus simple expression ; les députés et les sénateurs sont sommés de voter, au bénéfice d’une sorte d’union nationale, sans réfléchir et en abandonnant tout esprit critique. Et pour mieux encore éviter toutes questions, l’on s’entend pour que le Conseil constitutionnel n’ait pas à apprécier la validité de la procédure suivie et le contenu des mesures prises : petits jeux politiciens médiocres indignes d’une démocratie. C’est pour l’ensemble de ces raisons que la LDH a élevé la voix. Elle fut critiquée ? Sans doute, y compris en son sein (une section a manifesté ses réserves et deux membres ont démissionné). Mais en mettant le gouvernement et les parlementaires de tout bord, comme le président de la République, en face de leurs responsabilités, la LDH est restée fidèle à son rôle : rappeler aux gouvernants qu’ils ne sauraient s’affranchir du respect de la légalité et que les lois de circonstance sont toujours un mauvais coup porté à la démocratie.