Tribune de Michel Tubiana, président de la LDH, Madeleine Rebérioux, présidente d’honneur de la LDH, et Henri Leclerc, président d’honneur de la LDH, publiée dans
Fallait-il se taire et nier nos principes ? La LDH était dans son rôle en étant présente au procès fait à Maurice Papon en raison de sa conduite durant l’Occupation, comme elle l’aurait été s’il avait été possible de le poursuivre en raison de son attitude durant la guerre d’Algérie. Elle était encore dans son rôle lorsque, durant le procès, elle se refusa à revêtir la robe du parquet en réclamant, à l’inverse de certaines parties civiles, une peine à l’encontre de l’intéressé. Elle l’est toujours, aujourd’hui, lorsqu’elle affirme publiquement que « finir sa vie en prison, y mourir n’est pas acceptable dans une société qui se veut respectueuse » de principes qui, bien entendu, n’ont jamais guidé Maurice Papon.
Au risque de fâcher un peu plus, la LDH ne reviendra pas sur cette affirmation. Mais elle entend que cette affirmation ne soit pas tronquée ; ce n’est pas le sort de Maurice Papon qui lui importe, mais, puisque la question est posée, celle de tous ces vieillards, ces malades qui attendent de finir leurs jours en prison. Nous ne considérons pas que nos principes s’appliquent de manière distributive, selon les personnes, les situations ou la nature des crimes. Sauf à se rapprocher de ceux que nous combattons depuis plus d’un siècle, nous ne pratiquerons pas une approche sélective des droits de l’Homme.
Il appartient aux pouvoirs publics qui viennent de découvrir, il n’est jamais trop tard, la situation d’ensemble des prisons françaises et des conditions d’incarcération, de prendre les mesures nécessaires, y compris législatives, pour que l’on ne meure plus en prison d’âge ou de maladie. Et nous ne tairons pas cette revendication au seul motif qu’elle pourrait bénéficier à Maurice Papon.
Réaffirmer ces principes n’est pas s’associer à la campagne actuelle en faveur de la libération de Maurice Papon.
Il n’a jamais émis le moindre regret de ses actes et a manifesté un tel mépris des victimes, durant les presque vingt ans qu’a duré la procédure, qu’à l’intolérable de son comportement et de ses conséquences, s’est ajoutée une dimension symbolique : sa mise en liberté serait ressentie comme un désaveu de sa condamnation et une nouvelle négation des victimes.
On conviendra que tel est d’ailleurs le sens que Jean-Marc Varaut a donné à sa démarche en qualifiant son client de « bouc émissaire » et de « condamné pour crime d’appartenance à l’administration française ».
La situation de Maurice Papon n’a d’exceptionnelle que l’idée qu’il se fait de lui-même et de ses actes. Rien ne peut justifier qu’il soit une nouvelle fois une exception.