Nombreuses sont les références sociales dans les textes communautaires, ce qui semble logique car il est évident notamment en comparant nos systèmes de protection sociale à celui des États-Unis qu’il existe bel et bien un modèle social européen bâti autour d’une certaine idée de l’État-providence. Malgré cela, l’Europe sociale peine à se construire. Au cours de ces dernières années, des progrès importants ont été réalisés. La mise en œuvre de l’agenda social tout comme l’adoption du PNAI dans la prolongation et la logique du PNAE, en sont les plus récents exemples. Certes, les objectifs quantifiés restent encore, le plus souvent, trop vagues – mais le mouvement semble aujourd’hui irréversible -, et ouvrent la voie en permettant peu à peu de faire évoluer les mentalités dans les pays les plus frileux en ce domaine. La libre circulation des hommes (et des femmes) conduira en effet inéluctablement à terme à mettre en place des mécanismes de protection ne serait-ce que pour les plus vulnérables de nos concitoyens. De même, la mise en œuvre d’un dialogue social européen n’est plus un vain mot et d’ores et déjà des avancées substantielles ont été accomplies. Certes, les progrès restent encore trop marginaux et il semble plus facile de s’entendre sur les conditions de travail, au sens étroit du terme, que sur le salaire minimum ou sur le droit de grève (comme en témoignent les avatars de la Charte des droits fondamentaux). La méthode des convergences préconisée par certains et calquée sur ce qui a été mis en œuvre en matière monétaire pourrait sans doute permettre de dépasser certaines frilosités et montrerait qu’au bout du compte les différences ne sont pas aussi grandes que ce que d’aucuns veulent bien le prétendre et qu’une harmonisation des politiques sociales vers le haut est bel et bien possible, afin de constituer un véritable ordre public social européen interdisant le dumping social. La Charte sociale du Conseil de l’Europe constitue à cet égard une avancée dont l’Union européenne devrait se saisir. Reste à regretter que la volonté politique de porter ce modèle social européen reste encore trop balbutiante : que la Charte des droits fondamentaux range les droits sociaux sous la rubrique « Solidarité » et non « Égalité », qu’elle fasse preuve de si peu d’audace par rapport aux étrangers, qu’elle adopte trop souvent des formules qui n’assurent pas l’effectivité des droits et qu’elle ait omis des droits aussi « fondamentaux » que le droit au revenu minimum, au logement, à la retraite, etc., constituent autant d’indices malheureusement significatifs de l’état du rapport de forces et des degrés d’engagement parmi les gouvernants européens actuels. En outre, le dialogue social européen peine à prendre toute sa place au sein des instances européennes, les organisations syndicales restant encore trop souvent plus préoccupées des débats nationaux.