Le gouvernement français fait adopter des lois d’exception sous prétexte de lutter contre le terrorisme et il envisage de modifier les dispositions de la loi sur la présomption d’innocence. L’Union européenne propose un accord cadre concernant le terrorisme qui défie l’entendement, la Grande-Bretagne veut pouvoir détenir les étrangers de manière illimitée, les USA détiennent des étrangers au secret et leur ministre de la Justice affirme que les étrangers n’ont pas les mêmes droits que les Américains. Arrêtons là cette énumération qui n’a certes pas le caractère plaisant d’un inventaire de Prévert. Ainsi que l’écrivait une conseillère de Tony Blair dès le 12 septembre, c’est maintenant qu’il est possible de faire passer ce qui aurait été impossible de passer sans les attentats du 11 septembre 2001. Les Etats se comportent comme les larrons au coin du bois : l’objet du vol n’est pas l’argent mais nos libertés. Un tel déferlement de mesures a des conséquences qui vont bien au-delà des mesures prises. C’est d’abord une forme de répression sociale généralisée qui se met en place : le fait qu’en France, frauder plus de dix fois dans les transports en commun expose, maintenant, à une peine de six mois de prison ou que la police puisse disperser des « attroupements » dans les halls d’immeuble montre que c’est le choix d’une politique de force qui a été fait pour répondre aux réels problèmes qui existent. S’agit-il de cautionner des agissements répréhensibles ou de pratiquer un quelconque angélisme ? Nullement, il s’agit simplement de savoir si les réponses apportées sont de nature à solutionner le problème autrement, bien sûr, qu’en ayant recours à des politiques d’élimination. Les choix qui sont ainsi faits conduisent à restreindre les libertés mais aussi à considérer, en dernière analyse, qu’il faut faire une croix sur une génération considérée comme définitivement perdue et qu’il convient donc de dresser ou d’éliminer. Cette politique sécuritaire des Etats tend aussi à inverser les règles d’une société démocratique. Petit à petit, d’un système où les libertés sont la règle et les restrictions aux libertés sont l’exception, l’on en vient à un système où l’État concède aux citoyens des libertés dans l’étroite limite de ce qu’il définit lui-même comme acceptable. A terme, c’est toute forme d’opposition qui risque d’être criminalisée. L’interrogation de Silvio Berlusconi sur la complicité objective entre les contestataires de Gênes et les terroristes n’est pas innocente. Enfin, et ce n’est pas le moindre effet pervers de ces politiques, les pays autoritaires s’appuient sur ces (mauvais) exemples pour mieux réprimer leurs oppositions et maintenir l’absence de démocratie. Certes, nous n’en sommes pas à des Etats d’exception. Mais, les logiques qui sont à l’œuvre sont lourdes de dangers.