L’année 2002 a été marquée par une forte mobilisation des mouvements des sans papiers. La LDH, régulièrement présente lors de nombreuses manifestations des coordinations de sans papiers, a mobilisé ses adhérents afin d’apporter aide et conseils aux mouvements. Les nombreux comités de soutien ont été aussi très nombreux à Paris comme en province. Les sans papiers ont multiplié les initiatives pour tenter d’accélérer l’examen de milliers de dossiers déposés dans les préfectures depuis le début du mouvement en août 2002. Les marches des femmes et enfants ont été tout aussi nombreuses.
Ces manifestations ont permis aux étrangers en situation irrégulière de revoir leur cas examiner par les préfectures. C’est ainsi que la Coordination nationale des sans papiers a permis à des milliers de personnes de voir leur situation administrative réexaminer. Les rencontres avec les différentes coordinations et le milieu associatif (LDH, M.R.A.P., etc.), et les rendez-vous, à l’initiative du ministère de l’Intérieur, avec Anne-Marie Escoffier ont conduit à relancer le débat du régime juridique des étrangers sans papiers présents en France de longue durée. Les rencontres avec le Préfet de police de Paris a également permis de régulariser quelques centaines de personnes. Ce chiffre reste toutefois encore très insuffisant et en deçà de la réalité.
Sans papiers : pour la création d’une commission ad-hoc
Appel du 2 septembre à l’initiative de la LDH, du MRAP,
de Guy Bedos, Dan Franck et Valère Staraselski
Depuis 15 jours, des milliers d’hommes et de femmes sortent de l’ombre dans laquelle ils étaient confinés. Ils vivaient clandestins, ils apparaissent au grand jour en demandant à avoir des papiers. Pour la plupart, ils résident en France depuis plusieurs années mais ils sont dans une situation précaire et privés de moyens de subsistance. Ils n’ont commis aucun crime, ils demandent simplement à pouvoir vivre dans la dignité. Les législations qui se sont succédé n’ont rien résolu. Nous savons, comme l’a reconnu le ministère de l’Intérieur, l’inhumanité avec laquelle sont traitées ces personnes par les préfectures où elles présentent leurs dossiers. Il ne sera pas mis fin à l’arbitraire avec lequel la loi est appliquée par voie de circulaire. Nous affirmons notre solidarité avec les sans-papiers, nous demandons au ministre de l’Intérieur d’installer une commission nationale qui sera chargée, sous son autorité, de mettre un terme à ce que nous ressentons comme indigne de notre pays.
Une délégation des signataires de cet appel a demandé à être reçue par le ministre de l’Intérieur.
Premiers signataires :
Mouloud Aounit, Bertrand Badie, Guy Bedos, Rony Brauman, Catherine Corsini, Didier Daeninckx, Dan Franck, Paula Jacques, Henri Leclerc, Gilles Perrault, Madeleine Rebérioux, Valère Staraselski, Michel Tubiana.
Les membres du Bureau national de la LDH :
Pierre Barge, François Della Sudda, Jean-Pierre Dubois, Driss El Yazami, Gérard Estragon, Monique Herold, Gilles Manceron, Philippe Pequignot, Malik Salemkour, Nicole Savy, Catherine Teule, Dominique Nogueres.
Les membres du Comité central de la LDH :
Elisabeth Alles, Patrick Baudoin, Micheline Bernard, Christine Bour, Saïd Bouziri, Joëlle Brunerie-Kauffmann, Rémi Cochard, Martine Cocquet, Catherine Cohen-Seat, Pierre Daniel Lamazière, Jean-Jacques De Felicie, Hervé Dupont-Monod, William Goldberg, Romuald Guilbert, Jean-Paul Hébert, Francis Jacob, Serge Jakobowicz, Kamel Jendouri, Claude Katz, Roland Kessous, Philippe Lamy, Serge Le Calvez, Danièle Lochak, Michel Mahe, Bernard Meurgues, Alain Monchablon, Philippe Pineau, Françoise Seligmann, Roseline Tiset, Guy Tramonti, Agnès Tricoire, Robert Verdier, Marie-Christine Vergiat, Catherine Wihtol De Wenden, Jean-Pierre Worms, Maurice Zavaro.
Patrice Chereau, Régine Desforges, Yassir Fichtali, Thomas Gilou, Romain Goupil, Robert Guediguian, Paula Jacques, Francis Jeanson, Claude Lanzmann, Tonie Marshall, Gustave Massiah, Evelyne Meublat, Ariane Mnouchkine, Edgar Morin, Gilles Perrault, Denis Robert, Antoine Spire, Michel Vovelle …
Politiques d’immigration et d’asile
La situation qui prévaut en France et dans d’autres pays de l’Union européenne, les projets de la Commission européenne ou la modification des flux migratoires, tout cela conduit à avoir au moins une certitude : nous devons débattre de ce sujet sans nous laisser enfermer dans le traitement policier qui reste la marque essentielle des solutions adoptées par tous les gouvernements européens.
Il nous semble que nous devons le faire sans faux-fuyants et sans dissimuler les difficultés que recèle un domaine qui touche nos sociétés au-delà des phénomènes migratoires eux-mêmes.
A l’occasion de cette rencontre, organisée par la LDH, a été débattu le texte « pour la citoyenneté et le droit des étrangers », voté par le Comité central de la LDH et ayant valeur de résolution de congrès.[1]
Tribune « Les sans papiers »
(Michel Tubiana) – 20 Minutes – 2 septembre
On les voit manifester à quelques coins de rue, ils organisent un cortège ou occupent un lieu symbolique. Ce sont les « sans papiers ». Parfois présents depuis plus de dix ans en France, ils n’ont ni volé ni tué. En revanche beaucoup ont été rançonnés et d’autres ont fui la mort ou la torture. Pourtant certains dorment en prison et tous risquent d’y séjourner. Leur tort ? Vouloir vivre en France parce que les drames de la vie les ont contraints à l’exil. Leurs demandes ? Cesser d’être soumis à l’arbitraire des préfectures, pouvoir travailler, nourrir leur famille, vivre tout simplement. Les gouvernements se suivent mais leur situation reste la même : celle d’une zone de non droit où se déplacer signifie éviter les contrôles et où manger exige d’être exploité par un patron pas trop regardant. Être « sans papiers », c’est être aussi sans droits, sans allocations ou sans sécurité sociale. Or ils ne sont pas des centaines de milliers, quelques dizaines de milliers qui ont déposé leurs dossiers afin d’obtenir le sésame qui leur permettra de retrouver une existence autre que clandestine. On dira « qu’ils prennent le travail des français ». Même cela est un mensonge, ils remplissent des tâches que la plus grande partie d’entre nous ne veut plus faire. Ils comblent même parfois, sous payés évidemment, des absences préjudiciables à la collectivité dans plusieurs domaines (médecins urgentistes, enseignants dans certaines matières, etc). Et puis que veut dire cette affirmation lorsque l’on sait que plus de 60 millions de personnes vivent en France et que les « sans papiers » ne représentent pas 0,2% de notre population ? On dira aussi que leur donner des papiers à tous provoquerait un appel d’air. Mais croit-on que les gens quittent leur pays par plaisir ou qu’ils en ont simplement les moyens ? Bien sûr, il faudra réfléchir aux raisons qui amènent certains à prendre le risque de mourir dans le détroit de Gibraltar ou aux déséquilibres mondiaux qui ravagent des populations entières. En attendant, ils sont là et ils y resteront, en France comme dans toute l’Europe. Les maintenir dans cette situation de non droit est non seulement une honte pour la République mais aussi une absurdité. Il est indigne d’infliger à des personnes qui n’ont rien fait que la morale réprouve des mois de prison. Et les moyens policiers et administratifs qui sont consacrés à la poursuite des étrangers en situation irrégulière seraient bien mieux employés ailleurs. Il faut régulariser les « sans papiers ».
Interviews
De nombreuses interviews de membres du Comité central de la LDH ont été réalisées tout au long de l’année 2002 dont l’interview de Dominique Noguères, pour Soir 3/ France 3 national le 7 septembre et celle de Michel Tubiana pour le Figaro le 22 août.
Manifestations
– Manifestation de la Coordination nationale des sans papiers (9 février).
– Manifestation des sans papiers place de la République à Paris (24 août).
– Différentes manifestations de sans papiers à Paris et devant les préfectures d’Ile-de-France, à l’appel de la Coordination nationale des sans papiers (du 3 au 11 septembre). .
Audiences
– auprès de Anne-Marie Ecoffier, inspectrice générale de l’administration au ministère de l’Intérieur, autour de la mission Escoffier (mission mise en place à la demande du ministre de l’intérieur afin d’harmoniser les pratiques préfectorales en matière du droit au séjour).
– auprès de Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, concernant le « Tour de France des sans papiers » (réception d’une délégation des signataires de l’appel : la LDH, le MRAP, Guy Bedos, Dan Franck et Valère Staraselski ) le 5 septembre.
Lettre
Lettre à Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, de la LDH du MRAP, de Guy Bedos, de Dan Franck et Valère Staraselski, sur la situation des sans papiers et les modalités de leur régularisation (25 septembre).
[1] Cf. le texte « pour la citoyenneté et le droit des étrangers » adoptée par le CC le 22 juin page 9.