du Beach, la Fédération des Congolais de la Diaspora et Survie dénoncent avec la plus grande vigueur les manœuvres des autorités congolaises visant à entraver l’action de la justice française concernant la plainte déposée contre le Général Dabira et d’autres hauts représentants de l’État congolais pour crimes de torture, disparitions forcées et crimes contre l’humanité commis au Congo Brazzaville.
La plainte a été déposée le 5 décembre 2001 auprès du Parquet du tribunal de grande instance de Meaux, à l’initiative de deux victimes directes miraculeusement rescapées de cet enfer, réfugiées en France, ainsi que par la FIDH, l’OCDH et la LDH. Elle vise Monsieur Norbert Dabira, inspecteur général des Armées, qui a une résidence en France, ainsi que Monsieur Denis Sassou Nguesso, président de la République du Congo, Monsieur Pierre Oba, général, ministre de l’Intérieur, de la Sécurité publique et de l’Administration du territoire, Monsieur Blaise Adoua, général, commandant de la Garde républicaine dite garde présidentielle, ainsi que tous autres responsables que l’information pourra révéler.
Nos organisations viennent d’apprendre, depuis que cette procédure judiciaire a été rendue publique, qu’une instruction aurait été ouverte concernant les disparitions au Beach de Brazzaville par le doyen des juges d’instruction de Brazzaville. L’OCDH, partie civile dans la plainte en France, a été convoquée par un juge de Brazzaville le 26 juin 2002, pour être entendue dans le cadre de cette instruction.
Nos organisations ne peuvent qu’être surprises de la mise en œuvre hâtive d’une telle procédure au lendemain de la convocation en France en tant que témoin assisté du général Dabira. Celui-ci devait en effet comparaître devant les juges d’instruction français le 19 juin 2002, mais il a invoqué son incapacité à se déplacer suite aux récents événements survenus au Congo Brazzaville. L’audition a donc été reportée au 8 juillet 2002.
Le risque est évident de voir monter de toutes pièces une mascarade de procès au Congo Brazzaville, qui viserait à faire obstacle à la poursuite de la procédure en France. Cette manœuvre est choquante car depuis les événements du Beach en 1999, et en dépit des efforts inlassables des parents des victimes et de l’OCDH, aucune plainte n’a été suivie d’effets au Congo. Les autorités congolaises semblaient vouloir éviter à tout prix que la lumière soit faite sur ces très graves violations et que les responsabilités soient établies. En témoigne également le fait que la Commission d’enquête parlementaire établie en août 2001 pour faire la lumière sur ces événements est parvenue au terme de son mandat sans jamais rendre public son rapport, et sans avoir jamais entendu les victimes et leurs familles. En témoigne également le classement sans suite, en mai 2002 de la plainte introduite par le Collectif des personnes déportées en décembre 1998 à Impfondo devant le Tribunal de grande instance de Pointe Noire.
Alors que l’indépendance du pouvoir judiciaire au Congo est un leurre, la manœuvre de diversion entreprise par le recours à une parodie de justice dans ce pays est une insulte aux victimes, à leurs familles et aux organisations qui les soutiennent dans leur quête de justice. Il s’agit manifestement d’une mascarade politique visant à protéger les principaux responsables des faits incriminés.
Rappel des faits
Mai 1999 : des milliers de Congolais qui avaient fui les combats faisant rage à Brazzaville depuis 1998 décident de retourner dans la Capitale congolaise, en profitant d’un couloir humanitaire placé sous les auspices du Haut commissariat aux réfugiés (HCR).
De sources concordantes, plus de trois cent cinquante cas de disparitions auraient été recensées au cours de ce retour d’exil. Pour la seule journée du 14 mai 1999, plus de 200 personnes auraient ainsi disparu.
Les plaintes ont pour fondement juridique la compétence universelle des juridictions françaises, pour les crimes de torture, disparitions forcées et crimes contre l’humanité (article 212-1 du Code pénal, article 689-1 et 689-2 du Code de procédure pénale et Convention contre la torture de 1984 ratifiée par la France).
Lors du dépôt de la plainte, les parties civiles avaient précisé que le général Norbert Dabira était localisé en France, où il dispose d’une résidence. Les juridictions françaises sont compétentes pour connaître des crimes de torture commis à l’étranger par un étranger, dès lors que l’auteur présumé est trouvé sur le territoire français.
Nos organisations se félicitent que dans ces affaires, une instruction ait été rapidement ouverte. Elles restent néanmoins vigilantes, voire préoccupées, quant à la suite de la procédure judiciaire, au vu de la reprise des conflits au Congo Brazzaville et de la sensibilité du dossier.
Cette affaire représente, pour les ONG, mais avant tout pour les victimes, une étape essentielle de la lutte contre l’impunité des crimes les plus graves. Cette procédure pourrait mettre fin à la spirale de l’impunité, qui engendre la violence et perpétue les violations des droits humains.