Alors que depuis plus d’un an, les associations soussignées, membres de la coordination pour le droit d’asile, tentent d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur la mise en péril du droit d’asile en France sans obtenir d’autre réponse que des promesses de toilettage technique, elles ont pris connaissance avec consternation d’une note publiée dans l’Express, signée du directeur des Français à l’étranger et des étrangers en France au ministère des affaires étrangères, Jean-Pierre Lafon, par ailleurs président du Conseil d’administration de l’OFPRA, qui reflète la philosophie qui semble présider au plus haut niveau sur la question de l’asile. Dans cet « état des lieux » qui ressemble à un réquisitoire, la France serait la victime de hordes de plus en plus nombreuses de fraudeurs à l’asile, qui utiliseraient sa législation trop laxiste pour franchir ses frontières, se maintenir abusivement sur son sol et échapper à toute reconduite à la frontière. Ces fraudeurs – parmi lesquels des criminels et des terroristes – bénéficieraient de la complicité des juges complaisants et de la Commission des recours des réfugiés pour obtenir indûment le statut de réfugié, s’empressant ensuite de se faire rejoindre en France par d’autres « fraudeurs » en abusant de la procédure du regroupement familial. Reçues au mois de décembre à Matignon pour y faire part des propositions de leur plate-forme, « Dix conditions pour un réel droit d’asile en France », les associations membres de la coordination pour le droit d’asile avaient alors fait état de « leur déception, à la mesure de l’absence de réponses satisfaisantes ». Elles s’indignent aujourd’hui que la réponse officielle leur parvienne sous la forme d’une note à caractère mensonger et diffamatoire à l’égard des demandeurs d’asile.
Le « document-choc » de Jean-Pierre Lafon oublie en effet de dire qu’à l’échelle des déplacements mondiaux de population, la France n’accueille qu’un nombre infime de demandeurs d’asile. Qu’elle n’accorde qu’à moins de 15% d’entre eux le statut de réfugié. Qu’un demandeur d’asile territorial, qui doit attendre plus d’une année la réponse à sa demande, ne bénéficie d’aucune assistance financière pendant cette période. Que la politique menée au cours de la dernière décennie a principalement consisté à précariser le droit d’asile en supprimant ou en restreignant de nombreuses garanties. Qu’enfin, et surtout, l’augmentation du nombre de candidats à l’asile qui se pressent aux frontières de nos pays est principalement le fruit de la multiplication des conflits qui, secouant la planète, les ont poussés sur la route de l’exil. Il néglige, dans le même temps, de préciser que cet « afflux » reste, en tout état de cause, largement inférieur au nombre de demandes d’asile enregistrées à la fin des années 80. Face aux attaques qui sont portées, au plus haut niveau, contre le droit d’asile, et au reniement implicite des principes dont la France se plaît pourtant à se revendiquer, les associations de la coordination pour le droit d’asile rappellent que l’asile est un droit fondamental, inscrit au préambule de la Constitution, que la France s’est engagée sur le plan international à respecter. En agitant le chiffon rouge de la fraude, le gouvernement y porte gravement atteinte et prend la lourde responsabilité, à la veille d’échéances électorales, de réveiller les réflexes xénophobes. Certes, il est nécessaire de réformer le dispositif d’asile : mais dans le sens d’une plus grande protection de ceux qui n’ont trouvé d’autre issue que dans la fuite de leur pays.