Les mois d’été sont propices aux mauvais coups. Ce gouvernement ne faillit pas à la règle. Encore qu’il l’ait annoncé : on ne lui fera pas grief de nous prendre par surprise. Il est vrai que le terrain avait été largement préparé par une campagne électorale qui n’a cessé de donner, jusqu’à la caricature, l’image d’une France à feu et à sang où marcher dans la rue serait dangereux et où les « minots » seraient à l’affût de tous les mauvais coups. Certes, nier les problèmes serait absurde, mais les réponses que l’on nous propose vont-elles être efficaces ? Accroître la répression, amener la justice à agir en forme d’abattage, rapprocher les mineurs du sort des adultes, désigner les groupes dangereux, socialement donc pénalement dangereux, voici le sens des mesures dont le parlement a à débattre. Force est de reconnaître, en premier lieu, que certaines de ces mesures sont dans le droit fil de mesures déjà prises par le gouvernement précédent. Pourquoi s’étonner que l’on sanctionne la présence de jeunes dans les halls d’immeubles dès lors que Daniel Vaillant avait décidé d’interdire une telle présence ? Il ne faut pas être surpris de voir la mendicité devenir pénalement répréhensible lorsque les prédécesseurs avaient criminalisé le fait de voyager sans titre de transport. Il sera intéressant de voir les leçons que tireront les perdants des élections de l’héritage qu’exploitent aujourd’hui leurs adversaires. Les premiers signes sont toutefois inquiétants, lorsque l’on voit que ce sont aussi de ces rangs que se sont élevées des voix pour s’opposer à l’amnistie. Ah quelle belle exigence morale que voici : la faute devient impardonnable, y compris pour les riches, dira-t-on. Oui, mais justement ce n’est pas eux qui ont le plus besoin du pardon ; ce sont les petits, les « gens d’en bas » pour faire contemporain, qui subiront jusqu’au bout cette soif de moralité aussi soudaine qu’hypocrite. Et puis qu’importe que José Bové dorme en prison. Au-delà de la personne elle-même, c’est bien un mouvement que l’on réprime, avec une fermeté d’autant plus évidente que cette révolte est partagée, fût-ce sous d’autres formes, par une majorité de la population. Allez donc demander à nos concitoyens s’ils sont d’accord pour que les essais d’ OGM en plein champ reprennent comme vient de l’autoriser le gouvernement. Il ne faut surtout pas que la contestation sème à tout vent. Les OGM, si. curieuse époque qui nous ramène plus d’un siècle en arrière : les classes dangereuses sont de retour. Ce ne sont plus les « apaches », ou les « fortifs », mais ce sont toujours les pauvres, les étrangers qui paient leur situation au tarif fort. Il ne suffit pas qu’ils soient pauvres ou victimes de trafics immondes, comme ces filles d’Afrique ou de l’Est qui viennent sur les trottoirs de nos villes, il faut, en plus, qu’ils en paient les conséquences : expulsion, répression accrue des gens du voyage, couvre-feu pour les mineurs, mendicité donnant le droit d’être condamné à une amende ou à la prison, voici ce que leur promet le gouvernement. Guerre aux pauvres ? On finirait par le croire en constatant qu’en même temps le gouvernement n’ouvre aucune porte, ne prend aucune mesure pour offrir à ces quelques millions de personnes l’espoir de s’en sortir. Tout cela est pire qu’une politique purement répressive, c’est tuer l’espoir. Quelles révoltes en sortiront ?