La crise que l’on a observée autour du centre de Sangatte et qui a connu, ces derniers jours, le paroxysme que l’on sait, ne trouve pas sa source dans le transit d’Afghans et de Kurdes sur le territoire français, mais est bien la triste conséquence de la logique européenne en matière d’asile, logique mise en œuvre notamment par la Convention de Dublin.
Ladite convention interdit le traitement direct de l’asile par le pays dans lequel les demandeurs souhaitent se rendre. Elle oblige le traitement par le premier pays d’entrée, pays qui ne répond pas forcément à leur choix. Les demandeurs peuvent dès lors se trouver bloqués dans une nasse dont Sangatte est le parfait exemple.
En fermant l’accès à Sangatte, sans autre forme de politique d’accueil digne de ce nom, les gouvernements français et britanniques cassent démagogiquement le thermomètre en ignorant la fièvre à traiter. Ils se soustraient à leurs obligations internationales à l’égard des réfugiés. L’accord France-Angleterre s’est fait sur le dos du traitement digne des demandeurs, dont les droits sont bafoués. Et pour éviter à l’avenir tout « appel d’air » vers une trop attractive Albion, les conditions d’accès et d’accueil y seront désormais plus restrictives (le contexte sécuritaire aidant).
Ainsi, une convention inique et aberrante (Dublin) aura produit, logiquement, une conséquence inhumaine (Sangatte). Pour y remédier, les gouvernements renforcent une politique d’asile indigne, plus restrictive encore.
L’UE, qui est loin de remplir ses obligations en matière d’accueil au prorata de ses richesses (elle accueille moins de 5% des demandeurs d’asile), devrait se rappeler que d’autres parties du monde, plus pauvres, reçoivent néanmoins l’immense majorité des réfugiés. A l’échelle mondiale, le problème de l’asile se pose en fait moins en Europe qu’au Pakistan ou en Iran. L’UE n’est pas une forteresse assiégée : les foules ne se pressent pas à sa porte. Mais c’est ce fantasme que les gouvernements entretiennent par leurs discours, et que l’UE transpose en directives, notamment en négociant avec les pays tiers, par le chantage à l’aide économique, le non-accès au territoire européen ou la réadmission dans les pays d’origine ou d’autres pays tiers pauvres.
Plutôt que de prendre la mesure de ses responsabilités et d’envisager une politique d’ouverture qui, elle seule, pourrait donner une impulsion à un autre monde, l’UE se rêve en Euroland, dont l’accès est réservé aux seuls privilégiés, méprise la détresse des demandeurs d’asile tout en exploitant la misère des pays tiers.
Une autre Europe est possible : le réfugié n’est pas une marchandise.