Résolution adoptée par le 82ème congrès de la LDH, Evry – 7, 8 et 9 juin 2003
Le 82ème Congrès de la LDH, qui réaffirme son attachement à la laïcité de l’école et de la République, estime qu’il n’y a pas de raison de légiférer sur le port de signes religieux à l’école.
Comme il y a quatorze ans, le battage médiatico-politique ne doit pas égarer l’opinion : 150 cas de litiges recensés par le ministère de l’Education Nationale, autour d’un foulard dans un établissement scolaire représentent une infime minorité au regard de l’ensemble des jeunes filles scolarisées. La législation actuelle, dont l’avis du Conseil d’Etat n’est que la traduction, permet de faire face dans l’équité et sans précipitation aux situations éventuellement conflictuelles : le foulard, qu’il soit ou non porté comme un signe religieux, n’est pas en lui-même une infraction à la laïcité de l’école, pas plus que les autres signes ; en même temps qu’est réaffirmée l’obligation, essentielle, de suivre tous les enseignements sans exception. Le projet d’une législation relative au port de signes religieux à l’école a donc une apparence : bannir des établissements scolaires tous les insignes religieux. Il a une réalité : au travers du foulard, que son port procède d’une démarche revendiquée ou d’une soumission à un rôle social, c’est l’image et la place des musulmans en France qui sont en cause.
Bien des peurs se focalisent sur les musulmans : terrorisme, insécurité, immigration, banlieues transformées en zone de non droit, intégrisme religieux, etc. Leur situation dans la société porte, en fait, la trace d’une incertitude permanente. S’ils sont étrangers, ils sont soumis à l’instabilité et à l’ostracisme de la loi, le dernier projet du gouvernement s’y employant plus que jamais. S’ils sont français, cela ne les empêche nullement de subir les discriminations quotidiennes qui délitent tout autant le lien social. A l’inverse de tous les principes de la République, les musulmans sont individuellement assignés à résidence. Ils n’auraient pas d’autres droits, quelle que soit leur manière de vivre l’Islam, et elle n’est certes pas uniforme, que de se conformer à des canons d’un mode de vie « français » aussi indéfinis qu’arbitraires. Ils sont ainsi renvoyés à une existence communautaire qu’ils vivent comme le lieu d’une existence sociale et culturelle qui leur est déniée par ailleurs. L’Islam est alors utilisé comme un mode de reconnaissance, le moyen d’exprimer une visibilité sociale qu’on leur refuse dans le même temps. Ici se trouve le terreau d’une révolte que certains manifestent en se fourvoyant dans l’intégrisme.
Il ne s’agit pas d’imposer à des jeunes filles l’alternative entre l’interdiction de porter le foulard en classe et l’exclusion de l’école – ce qui revient à faire de ces femmes les victimes d’une nouvelle forme de double violence – mais d’assurer l’intégration d’une population marquée au sceau de l’exclusion. En ce domaine, beaucoup reste à faire, et le métissage des appareils des partis politiques ne suffit pas à faire une politique d’intégration. C’est une ambition d’une autre ampleur dont nous avons besoin. Elle passe par la reconnaissance d’une diversité culturelle qui doit s’exprimer dans le cadre de l’égalité de traitement que la République doit assurer à tous. L’Islam doit bénéficier de la liberté du culte et doit supporter les règles qu’impose une société laïque, pluraliste et profondément sécularisée. Elle passe, enfin, par un véritable projet politique qui prenne en compte l’exclusion dont sont victimes des millions de personnes, françaises ou non, musulmanes ou non, et qui mette en œuvre une réelle politique d’égalité entre les hommes et les femmes. C’est à ce prix-là que les femmes cesseront d’être victimes de violences réelles ou symboliques, c’est à ce prix-là que l’on évitera de contraindre les esprits ou, pire encore, de transformer l’Islam en un instrument de révolte. Il n’est pas de réponse laïque, ni de lutte efficace contre le risque de communautarisme, hors du combat pour l’égalité et la citoyenneté sociale.