Résolution adoptée par le 82ème congrès de la LDH, Evry – 7, 8 et 9 juin 2003
11 septembre 2001. Quel monde ? Face à la terreur, l’unilatéralisme, l’hégémonisme, voire la recolonisation ?
21 avril 2002. Quelle République ? Face à la crise, le populisme, la xénophobie, le tout sécuritaire, le retour de l’ordre moral et la normalisation sociale ?
Après les « plus jamais ça », beaucoup retombent dans les ornières, les œillères, les calculs. Comment éviter le retour de la barbarie ?
L’entrée dans le XXIème siècle solde les comptes de la fin du face-à-face entre les deux blocs. L’écroulement de l’URSS a laissé place à un monde unipolaire dominé par l’hyper puissance US. Le système mondial néolibéral engendre les pires injustices au travers d’une « globalisation » sans autre loi que celle du profit.
L’abolition des frontières ne peut se résumer à la création d’un vaste marché sans règles. Ni la démocratie, ni les droits de l’Homme ne peuvent s’en accommoder. Ils ne supportent pas davantage les logiques de guerre et de « croisade », qui préparent un cycle de haines, d’affrontements et de dérives identitaires ou communautaires.
C’est dans ce contexte, et en inscrivant défense et promotion des droits de l’Homme dans une démarche d’universalité et d’indivisibilité, que la LDH entend développer son action. Construire, aujourd’hui, des institutions internationales reconnues, responsables devant les peuples et les nations est la condition indispensable d’une alternative à la violence et à l’inégalité mondialisées.
En France, la LDH exprime son extrême inquiétude face à une politique, y compris budgétaire, qui porte atteinte aux droits économiques et sociaux, s’en prend aux plus démunis, s’attaque à la cohésion nationale en démantelant les services publics et accumule les lois attentatoires aux libertés. La réforme constitutionnelle menace l’égalité territoriale, celle du mode de scrutin régional réduit le pluralisme politique. Ce gouvernement n’a pas reçu mandat de mettre ainsi en question la nature de la République. Dans le même temps, l’exclusion sociale ne cesse de s’aggraver, le chômage de progresser et les étrangers d’être traités comme objet de police.
Faisant du double langage – au mépris de toute éthique politique – une méthode, les pouvoirs publics prétendent conduire une démarche raisonnable qui est démentie par leurs propres actes.
La Ligue des droits de l’Homme n’accepte pas plus la perspective d’une République sécuritaire criminalisant pauvreté et exclusion, que celle d’un monde remodelé par la seule loi du plus fort. Pour éviter de nouveaux 11 septembre mais aussi de nouveaux 21 avril, il est plus que temps d’ouvrir d’autres horizons.
Ne cédons pas au fatalisme : le monde change, la citoyenneté aussi. En France, le choc de la présidentielle a fait naître un puissant mouvement civil et civique qu’il ne faut pas laisser en déshérence. Dans le monde, dans chaque continent, pays, région, ville, à travers le mouvement des Forums sociaux, les mobilisations planétaires contre l’AMI1 hier, la guerre en Irak aujourd’hui, l’AGCS2 demain, émerge, en particulier dans la jeunesse, une société civile planétaire qui appelle une mondialisation des droits, de tous les droits, et de la citoyenneté.
Face aux faiblesses du débat politique, au déficit démocratique européen qui persiste, à la crise de la communauté internationale née en 1945 et au besoin de démocratiser la mondialisation, la responsabilité d’associations civiques comme la LDH, la FIDH, le REMDH3 et la FIDH-AE est plus forte et plus exigeante. Nous resterons à notre place, qui n’est pas celle des partis politiques, mais nous occuperons toute notre place dans le mouvement civique et social.
Ce monde est en crise. Un autre monde est possible ; c’est la mobilisation des citoyens pour plus de démocratie et d’égalité qui en est la clef.
(1) Accord Multilatéral sur l’Investissement
(2) Accord Général sur le Commerce des Services
(3) Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme