2024 Elections européennes : Manifeste pour les droits humains

Manifeste de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) signé par la LDH (Ligue des droits de l’Homme)

La démocratie et l’État de droit sont menacés en Europe. Un nombre croissant de gouvernements tente de saper les fondements démocratiques de l’Europe en compromettant la séparation des pouvoirs, en réduisant au silence les médias, en attaquant la société civile et en menaçant les droits humains et les libertés fondamentales. Ces actions contreviennent aux principes fondamentaux que les États européens se sont engagés à respecter, tant au niveau national qu’international, en ratifiant des traités et conventions internationaux, notamment les Traités de l’Union européenne et la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
L’Union européenne (UE) est une communauté de valeurs fondée sur le respect de la dignité humaine, de la liberté, de la démocratie, de l’égalité, de l’État de droit et des droits humains. Ses fondements essentiels sont le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice et la solidarité. Face aux menaces croissantes qui pèsent sur ces principes et sur l’universalité des droits humains, les institutions de l’UE et les États membres doivent respecter et défendre ces valeurs
et demander des comptes à ceux qui les violent, y compris les acteurs économiques.
L’UE a un rôle essentiel à jouer dans la promotion d’un ordre mondial fermement ancré dans le respect des droits humains pour tous. C’est particulièrement vrai aujourd’hui, alors que de graves crises se déroulent aux frontières de l’Europe. Ces crises exigent de l’UE et de ses États membres qu’ils s’engagent à promouvoir le respect des droits humains et la responsabilité de leurs violations à l’échelle mondiale.
À l’approche des élections européennes de 2024, nous – organisations de la société civile travaillant sur les droits humains à travers l’Europe – appelons tous les candidats, ainsi que la Commission et le Parlement européen qui seront élus, à faire des droits humains un objectif clé et à s’engager à défendre et à promouvoir les 10 priorités suivantes :

1. DÉFENDRE LES NORMES DÉMOCRATIQUES ET L’ÉTAT DE DROIT
Pour ce faire, il convient de :
● Lutter efficacement contre le phénomène de régression dans les États membres de l’UE ;
● Veiller à ce que les responsables des violations soient tenus de rendre des comptes, en utilisant tous les instruments disponibles, y compris ceux qui établissent un lien entre les violations de l’État de droit et les finances publiques ;
● Imposer des sanctions politiques et financières aux États membres qui ne respectent pas l’État de droit ;
● Renforcer davantage les cadres institutionnels, juridiques et politiques permettant à l’UE de réagir fermement, efficacement et en temps voulu à de telles violations ;
● Veiller à ce que les lois, politiques et mesures adoptées en réponse à une situation d’urgence soient nécessaires et proportionnées et tiennent compte de la nécessité de respecter les droits humains.

2. PROTÉGER ET RENFORCER LES ORGANISATIONS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE, AINSI QUE LES DÉFENSEURS DE L’ENVIRONNEMENT ET DES DROITS
HUMAINS
Pour ce faire, il convient de :
● Favoriser un environnement sûr et propice à la société civile pour qu’elle puisse jouer le rôle de garde-fou nécessaire dans une société démocratique ;
● Lutter contre les menaces qui pèsent sur l’espace civique, notamment celles qui affectent le droit à la liberté d’association et de réunion pacifique ;
● Encourager le dialogue civil comme moyen de faciliter la participation du public à la prise de décision et de contribuer à l’élaboration de l’agenda politique afin d’obtenir des résultats sociaux positifs et d’accroître la transparence ;
● Garantir l’accès de la société civile à un financement adéquat ;
● Adopter un cadre pour protéger les organisations de la société civile, ainsi que les défenseurs de l’environnement et des droits humains, contre les menaces et les attaques, y compris les campagnes de diffamation et les récits préjudiciables.

3. PROMOUVOIR L’ÉGALITÉ ET COMBATTRE LA DISCRIMINATION
Pour ce faire, il convient de :
● Encourager les lois et les politiques qui favorisent l’égalité et la lutte contre la discrimination pour tous les motifs, y compris le sexe, la race, la couleur, l’origine ethnique, le statut social, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou autres, le handicap, l’âge, l’orientation sexuelle et l’identité de genre ;
● Veiller à ce que chacun ait un accès complet et égal à tous les droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux, en droit et en pratique ;
● Prendre en compte les vulnérabilités et les besoins spécifiques qui caractérisent certains individus et groupes de la société afin de garantir une égalité effective ;
● Lutter contre la discrimination et la violence motivées par les préjugés, y compris les discours et les crimes de haine ;
● Développer des récits qui contribuent à déconstruire les stéréotypes néfastes et à lutter contre la stigmatisation de certaines personnes ou de certains groupes.

4. LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ ET L’EXCLUSION SOCIALE
Pour ce faire, il convient de :
● Assurer l’égalité d’accès de tous aux droits économiques et sociaux, y compris l’emploi, la santé, le logement, l’éducation, les biens et les services ;
● Améliorer les conditions et les perspectives des personnes socialement défavorisées et en permettant à tous d’avoir accès aux mêmes opportunités et ressources en renforçant la protection sociale et le bien-être ;
● Renforcer la dimension sociale des politiques économiques et financières, ainsi que la gouvernance au niveau de l’UE et des États membres ;
● Adopter et mettre en œuvre des mesures visant à atténuer les coûts économiques et sociaux des situations d’urgence (par exemple, COVID-19, crise de l’énergie).

5. PROTÉGER ET PROMOUVOIR LES DROITS DES FEMMES
Pour ce faire, il convient de :
● Garantir que les droits des femmes sont respectés dans la législation et dans la pratique ;
● Veiller à ce que les femmes et les filles aient accès aux droits humains, y compris à la santé sexuelle et reproductive, sans discrimination ;
● Lutter contre la violence domestique et sexiste ;
● Luter contre les réactions négatives à l’égard des femmes- s’opposant aux lois, politiques et mesures rétrogrades qui restreignent ou sapent les droits des femmes ;
● S’opposer aux réactions négatives et aux récits antisexistes qui promeuvent les rôles sociétaux et familiaux traditionnels et perpétuent des stéréotypes sexistes néfastes.

6. SAUVEGARDER LA VIE, LES DROITS ET LA DIGNITÉ DES MIGRANTS, DES DEMANDEURS D’ASILE ET DES RÉFUGIÉS
Pour ce faire, il convient de :
● Reconnaître que la mobilité des êtres humains est un phénomène mondial qui façonne notre monde et contribue à l’édification de sociétés prospères ;
● Veiller à ce que la vie, les droits et la dignité des personnes en déplacement soient respectés et protégés, conformément à la législation européenne et internationale en matière de droits humains et de réfugiés ;
● Veiller à ce que la vie et les droits des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés soient au cœur des politiques migratoires de l’UE et de ses États membres et à ce qu’ils aient la priorité sur la sécurité et le contrôle des frontières ;
● Garantir l’accès à la protection internationale pour les demandeurs d’asile, quelle que soit leur origine ;
● Offrir l’accès à des voies d’entrée sûres et légales en Europe ;
● S’abstenir de criminaliser les migrants et ceux qui leur viennent en aide ;
● Partager la responsabilité des réfugiés, conformément au principe de solidarité qui sous-tend la coopération européenne ;
● Cesser d’externaliser la responsabilité de la gestion des migrations à des pays non membres de l’UE dont le bilan en matière de droits humains est médiocre, abroger les accords de coopération existants en matière de migration et s’abstenir d’en conclure de nouveaux.

7. VEILLER À CE QUE LES ACTEURS ÉCONOMIQUES RESPECTENT LES DROITS HUMAINS ET L’ENVIRONNEMENT
Pour ce faire, il convient de :
● Renforcer les cadres juridiques nationaux, régionaux et internationaux pour prévenir et traiter les violations des droits humains et les impacts environnementaux liés aux activités des entreprises ;
● Adopter et mettre en œuvre des mesures obligatoires de diligence raisonnable pour favoriser la durabilité et le comportement responsable des entreprises tout au long de la chaîne de valeur, en Europe et à l’étranger ;
● Placer les droits humains et l’environnement au cœur des décisions commerciales et de la gouvernance d’entreprise.

8. RECONNAÎTRE LE DROIT UNIVERSEL À UN ENVIRONNEMENT PROPRE, SAIN ET DURABLE ET LUTTER CONTRE LE DÉRÈGLEMENT CLIMATIQUE
Pour ce faire, il convient de :
● Reconnaître que la crise climatique a des effets dévastateurs sur les droits humains, notamment le droit à la vie, à l’autodétermination, au développement et sur les droits économiques et sociaux (par exemple, le droit à l’alimentation, à la santé, au logement, à l’eau et à l’assainissement) ;
● Soutenir les initiatives aux niveaux national, régional et international visant à reconnaître le droit à un environnement propre, sain et durable comme un droit de l’homme ;
● Élaborer de nouvelles normes et de nouveaux mécanismes pour faire face aux conséquences de la crise climatique sur l’environnement et les droits humains, y compris les droits des générations futures.

9. PROMOUVOIR L’OBLIGATION DE RENDRE DES COMPTES POUR LES CRIMES INTERNATIONAUX ET LES VIOLATIONS GRAVES DES DROITS
HUMAINS
Pour ce faire, il convient de :
● Soutenir les initiatives visant à renforcer le cadre juridique aux niveaux national, régional et international ;
● Faire en sorte que les auteurs répondent de leurs actes en renforçant les mécanismes de lutte contre l’impunité pour les crimes internationaux et les violations graves des droits humains commis à l’intérieur et à l’extérieur de l’Europe, et en veillant à ce que les victimes et leurs familles aient accès à un recours effectif et à des réparations ;
● Garantir que les droits des victimes soient respectés et protégés et que les victimes jouent un rôle central dans les procédures qui les concernent.

10. VEILLER À CE QUE LA DÉMOCRATIE ET LES DROITS HUMAINS SOIENT AU CENTRE DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DES PRIORITÉS DE L’UE
Pour ce faire, il convient de :
● Veiller à ce que les obligations de l’UE et de ses États membres en matière de droits humains soient mises en œuvre de manière cohérente dans le cadre de la politique étrangère de l’UE ;
● Se mobiliser pour renforcer et faire progresser les droits humains et la démocratie à l’échelle mondiale, comme le prévoit le plan d’action de l’UE pour les droits humains et la démocratie ;
● Placer les préoccupations en matière de droits humains au cœur des relations diplomatiques de l’UE et des États membres avec les pays tiers ;
● Utiliser tous les outils diplomatiques pour conditionner le soutien financier et la coopération en matière de développement, de commerce et de défense au respect des droits humains ;
● Assurer la cohérence entre ce qui est exigé des pays de l’UE et des pays tiers, y compris les pays candidats, en termes de normes démocratiques et de droits humains ;
● Éviter les doubles standards qui sapent la crédibilité et la légitimité de l’UE, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’UE.

Le 9 mai 2024

Télécharger le Manifeste.

 

Communiqué de la FIDH du 16 juillet 2024

Le Parlement européen doit défendre la démocratie menacée

  • Aujourd’hui, le Parlement européen tiendra sa première session plénière après les élections européennes de juin 2024, un nombre sans précédent de députés d’extrême droite ont été élus pour la législature 2024 -2029.
  • La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) invite tous les nouveaux membres du Parlement européen à défendre fermement les principes de respect de la démocratie, de l’État de droit et des droits humains, ainsi que les valeurs de dignité humaine, de tolérance, d’égalité, de solidarité et de respect des minorités.
  • Ces valeurs sont inscrites dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 ainsi que dans l’article 2 du traité de l’UE. Elles constituent la pierre angulaire sur laquelle repose l’Union européenne. Les députés européens doivent garantir leur protection et leur efficacité et les défendre lorsqu’elles sont attaquées.

Bruxelles, Paris, 16 juillet 2024 – Les partis d’extrême droite siègent désormais dans près d’un quart des gouvernements des 27 États membres de l’Union européenne. Très concrètement, l’extrême droite au pouvoir entraîne une limitation des droits et libertés pour tous, et en particulier pour les plus vulnérables.

L’affaiblissement des contre-pouvoirs démocratiques est en cours. nous constatons une grave atteinte à l’indépendance de la presse et des tentatives répétées de saper les institutions judiciaires qui rendent la justice aux citoyens. La société civile est menacée et les droits et libertés fondamentaux sont attaqués. Les agressions se multiplient contre les libertés politiques, religieuses et de conscience, contre le droit d’association et de réunion pacifique. Les droits linguistiques, les droits sexuels et reproductifs des femmes et le droit à un environnement sain sont menacés. Cela s’applique à des degrés différents aux États “illibéraux” et aux démocraties consolidées. Un rétrécissement de l’espace civique et démocratique et un recul de l’État de droit sans précédent peuvent conduire à l’injustice et inverser les progrès accomplis vers la réalisation d’un espace commun de liberté, de justice et de paix au cours des 70 dernières années.

“La montée de l’extrême droite en Europe, comme ailleurs dans le monde, est loin d’être une fatalité. Nous devons mener un combat quotidien et sans relâche pour nos libertés, pour l’idéal de dignité universelle : l’autre mérite d’avoir des droits, parce qu’il est, elle est mon égal·le, d’autant plus que cela ne m’enlève aucun droit”, déclare Alexis Deswaef, vice-président de la FIDH. “Rappeler inlassablement ce principe fondamental, le proclamer, se battre pour lui, c’est l’essence même des droits de l’homme.Tous les êtres humains naissent libres et égaux en droits et en dignité.L’extrême droite est la négation de cette idée”.

Le populisme radical se nourrit des frustrations sociales nées d’une période de grande instabilité politique et économique et d’une méfiance croissante à l’égard des institutions publiques. Loin d’apporter une réponse adéquate à ces frustrations légitimes, la montée de l’extrême droite représente une menace fatale pour les droits et la démocratie. C’est en particulier le cas pour les principes de justice, d’égalité, de fraternité et de solidarité, dont ces forces politiques sont l’antithèse même.

Face à l’urgence politique, sociale et environnementale, la FIDH appelle les député·es européen·nes nouvellement élu·es, les autres institutions de l’UE, la société civile et les citoyen·nes européen·nes à se mobiliser. La FIDH les exhorte à utiliser tous les moyens à leur disposition pour défendre les droits humains et les principes démocratiques contre ceux qui menacent de les détruire, en Europe et partout dans le monde.

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