Un jeune homme a été enlevé et torturé. Il est mort dans des conditions effroyables. Ce jeune homme était juif, et un juge indépendant a considéré que « des indices graves et concordants », comme le dit la loi, faisaient penser que certaines des personnes soupçonnées d’avoir commis cette horreur revendiquaient leur haine des juifs ou répétaient l’amalgame habituel et détestable entre les juifs et l’argent.
C’est à l’autorité judiciaire qu’il appartient de faire la lumière sur les mobiles des criminels. Et il est trop tôt pour faire la part ici de ce qui relève du crime crapuleux et de ce qui a pu pousser jusqu’à l’abominable la bêtise ordinaire du racisme. Mais il n’est pas trop tôt pour que tous les habitants de ce pays disent tous ensemble ce que leur inspire la haine raciste et antisémite.
Tous ensemble, parce que chaque vie a la même valeur, parce que toute torture et tout assassinat sont des coups portés à notre humanité commune. On ne nous divisera pas sur l’essentiel. Nous refusons toute hiérarchisation des combats contre la haine, toute concurrence des victimes, toute opposition entre des communautés qui ont droit au même respect.
Il faut, à cet égard, que tout soit bien clair. Il n’y a pas d’un côté des groupes de « barbares » et de l’autre des « civilisés ». D’innombrables exemples dans l’histoire montrent hélas qu’aucune société, qu’aucun groupe humain n’est protégé contre le retour de l’inhumain.
C’est pour cela que la connaissance du passé, et le refus de l’instrumentalisation politicienne de l’histoire, sont si importants. C’est aussi pourquoi nous devons à la fois garantir la liberté de l’expression, de la presse, et refuser les discours de haine et les caricatures qui blessent injustement. Et c’est encore pour cette raison que la Ligue des droits de l’Homme essaie d’être présente, tous les jours, dans le combat contre les discriminations, les injustices et l’arbitraire.
Car le respect de la vie, le respect de l’autre, la liberté de vivre ensemble sont des biens précieux mais fragiles. Ils sont entre nos mains. Personne ne les protègera pour nous, ni ne les fera vivre à notre place.
Nul n’effacera le calvaire d’Ilan Halimi. Mais nous devons au moins à sa mémoire d’être plus vigilants que jamais. Face à toutes les barbaries.
Paris, le 24 février