Tribune collective signée par Patrick Baudouin, président de la LDH
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Après la décision préfectorale d’interdire les manifestations du 25 mars contre les mégabassines, les responsables de syndicats et d’organisations de défense des droits humains et de l’environnement s’alarment, dans une tribune au Monde, d’un « climat de répression et de violences » qui met en danger la liberté de manifester.
Face à la mobilisation citoyenne grandissante contre les mégabassines, les autorités publiques font le choix de la répression et non du dialogue. Cette répression s’est d’abord illustrée par les poursuites engagées contre les manifestants opposés aux mégabassines avec une dérive extrêmement grave de l’Etat visant à criminaliser, intimider et museler les mouvements sociaux.
L’utilisation du terme « écoterroriste » sans fondement, en est aussi un symptôme. Pour la mobilisation de Sainte-Soline (Deux-Sévres), cinq prévenus n’ayant pas pris part aux violences survenues durant la manifestation ont été condamnés à des peines de deux à trois mois de prison avec sursis et à trois ans d’interdiction du territoire des Deux-Sèvres.
Un jugement rendu sur le motif de « participation à un groupement en vue de commettre des dégradations ou violences », donc sur le simple fait de leur présence à la mobilisation massive qui a eu lieu le 29 octobre 2022 à Sainte-Soline. Cette automaticité de la peine pour avoir participé à une manifestation en défense d’un bien commun, l’eau, est un grave coup porté à la liberté de manifester. De plus, elle frappe de manière arbitraire parmi les manifestantes et manifestants. Rappelons que plus de 7 000 personnes ont manifesté à Sainte-Soline.
Une répression pénale et systématique injustifiable
Le délibéré des récents procès de Niort et de La Rochelle a témoigné d’un même mouvement sécuritaire. La circulaire du ministre de la Justice en date du 9 novembre 2022, demandant une répression pénale et systématique dans le cadre de contestations de projets d’aménagement du territoire démontre une volonté politique du gouvernement de faire taire par tous les moyens les opposants à des projets de mégabassines, de plus en plus injustifiables aux yeux d’une grande part de la population.
Matériels de surveillance retrouvés à proximité du domicile d’un militant, passage à tabac d’un militant opposé aux mégabassines quelques jours après la mobilisation de Sainte-Soline, menaces de mort contre le porte-parole de la Confédération paysanne des Deux-Sèvres ; ce sont quelques exemples du climat de répression et de violences perpétrées qui, elles, n’ont fait l’objet d’aucune suite judiciaire pour le moment ni de condamnation de la part des représentants de l’Etat.
L’exemple de la lutte contre les mégabassines et de la répression dont elle fait l’objet, s’inscrit à cet égard dans la continuité des atteintes à la liberté de manifester et à la répression subie par le mouvement des « gilets jaunes ». Les autorités instrumentalisent de manière croissante depuis quelques années (rapport Amnesty International de septembre 2020) des lois contraires au droit international pour verbaliser, arrêter arbitrairement et poursuivre en justice des gens qui n’avaient commis aucune violence.
La liberté fondamentale de manifester
Enfin, les violences perpétrées récemment contre des paysans de la Confédération paysanne lors d’un barrage filtrant sur le viaduc de Millau, dans le cadre de la mobilisation contre la réforme des retraites, montrent que face à une opposition légitime, un usage disproportionné de la force publique est toujours de mise.
Nos organisations s’inquiètent et alertent sur les atteintes à la liberté de manifester et sur l’arbitraire policier et juridique mis en place comme stratégie d’intimidation et de répression des manifestations. Notre cri d’alarme vise à préserver la nature même d’un régime démocratique, la liberté fondamentale de manifester et la liberté d’expression citoyenne.
Les signataires de la tribune : Arnaud Schwartz, président de France nature environnement ; Benoît Teste, secrétaire général de la FSU ; Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France ; Claire Dujardin, présidente du Syndicat des avocats de France ; Hélène Bourdel, porte-parole du Mouvement pour une alternative non violente ; Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France ; Khaled Gaiji, président des Amis de la Terre ; Murielle Guilbert et Simon Duteil, co-délégué·es généraux de l’Union syndicale Solidaires ; Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne ; Patrick Baudouin, président de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT ; Youlie Yamamoto, porte-parole d’Attac France