A l’automne 2005, plusieurs centaines de migrants dont des demandeurs d’asile, principalement subsahariens, tentent de franchir les murs de grillage qui les séparent de Melilla et Ceuta. Débordées, les polices espagnoles et marocaines tirent, entraînant des morts et de nombreux blessés. Ces événements dramatiques se sont produits aux frontières de l’Union européenne. Pourtant celle-ci ne peut en aucun cas être exonérée de ses responsabilités, étant donné les orientations actuelles de la politique migratoire européenne et sa volonté d’externaliser le contrôle de ses frontières.
Au Maroc, le Conseil consultatif des droits de l’Homme (CCDH) a organisé une commission d’enquête et a rendu un rapport relatif à ces événements début 2007 sans autre précision de date. Ce rapport, qui ne comporte pas le nom de ses auteurs relève plus du plaidoyer que d’une présentation équilibrée des faits.
L’objet de cette enquête était de reconstituer les faits et les manquements aux droits de l’Homme. Malgré les intentions énoncées de réunir et de recouper les informations et malgré la disponibilité des informations fournies par les organisations humanitaires et de défense des droits de l’Homme, la commission indique que faute de temps, elle n’a pas mené d’enquête auprès des migrants in situ. Ainsi la conduite de l’enquête elle-même ne répond pas aux principes affichés et contribue au caractère unilatéral de l’analyse des événements.
Sur les événements eux-mêmes, on peut relever des faits toujours en attente d’explication deux ans après comme l’enquête sur les deux morts du côté marocain mais surtout les explications révèlent de sérieuses contradictions. Citons principalement la façon de présenter ces migrants avec « un profil de militaires » ou encore qui « ont côtoyé les techniques de combat ». Cela permet d’excuser l’attitude des forces de police alors que le rapport souligne que, selon les associations de défense des droits de l’Homme présentes à Oujda, « jusqu’alors, les Subsahariens ne posaient aucun problème de sécurité ».
Par ailleurs, notons que le rapport lui-même ne signale pas la présence d’armes entre les mains des migrants, mais seulement des « bâtons et des bidons afin de faire diversion ». Il rappelle, en revanche que ces migrants vivaient dans les forêts avoisinantes, parfois depuis des années, dans des conditions de dénuement extrême.
La responsabilité européenne majeure ne disculpe, en aucune façon, celle des autorités marocaines, comme tente de le faire, dans son rapport, le Conseil consultatif des droits de l’Homme. Même s’il n’oublie pas de faire référence aux conventions internationales, qui concernent la protection des réfugiés et des travailleurs migrants dont le Maroc est signataire, il est patent qu’en ces circonstances elles n’ont pas été respectées.
Paris, le 26 avril 2007.