Tribune collective signée par la LDH parue dans Libération
Plus de 18 mois après le début du soulèvement populaire « Femme, vie, liberté » de 2022, les autorités iraniennes continuent de réprimer encore davantage les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. La répression s’intensifie à l’encontre des femmes et des jeunes filles qui défient les lois sur le port obligatoire du voile. Le recours à la peine de mort comme instrument de répression politique s’accroit avec une accélération du nombre d’exécutions.
Au moins sept personnes sont sous le coup d’une condamnation à mort pour avoir pris part aux manifestations nationales « Femme, vie, liberté », à la suite de procès manifestement inéquitables. Il s’agit de Fazel Bahramian, Mamousta Mohammad Khazrnejad, Manouchehr Mehman Navaz, Mehran Bahramian. Mojahed (Abbas) Kourkour, Reza (Gholamreza) Rasaei et le rappeur Toomaj Salehi, dont l’avocat a annoncé le 24 avril 2024 qu’un tribunal révolutionnaire l’avait condamné à la peine de mort. Parmi les autres artistes visés par les autorités iraniennes dans le contexte du soulèvement et de ses suites, on peut citer Saman Yasin, arrêtée arbitrairement en octobre 2022 puis condamnée à cinq ans d’emprisonnement, et l’actrice Taraneh Alidoosti, détenue arbitrairement en janvier 2023 pour avoir publié sur les réseaux sociaux des messages en soutien au mouvement « Femme, vie, liberté », sans voile obligatoire.
Arrêté, détenu arbitrairement pour la première fois et emprisonné en octobre 2022, puis soumis à la torture et à d’autres mauvais traitements, notamment à un isolement prolongé, Toomaj Salehi a été libéré de prison sous caution en novembre 2023. Le même mois, il a de nouveau été arrêté et détenu arbitrairement après avoir dénoncé publiquement sa détention.
Nous, organisations des droits humains, rappelons que la peine de mort est une violation du droit à la vie tel qu’il est proclamé dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme et constitue le châtiment cruel, inhumain et dégradant par excellence.
Tous les Etats qui maintiennent la peine de mort, dont l’Iran, doivent établir un moratoire officiel sur les exécutions, en vue d’abolir complètement la peine de mort, et en tant que pays abolitionniste, il revient aux autorités françaises d’intervenir d’urgence en faisant pression sur les autorités iraniennes afin qu’il soit mis fin à toutes les exécutions, sans délai.
Pour la seule année 2023, les autorités iraniennes ont procédé à une vague d’exécutions terrifiante, avec au moins 853 personnes exécutées, dont plus de la moitié pour des infractions liées à la drogue, en violation du droit international.
C’est pourquoi nous, organisations des droits humains, appelons à un large rassemblement de la société civile dimanche 28 avril 2024 à 15h sur la place de la Bastille, à Paris, autour des revendications suivantes :
- nous demandons la libération immédiate et inconditionnelle de Toomaj Salehi et de toutes les personnes reconnues coupables et condamnées à mort, inculpées ou faisant l’objet d’une enquête uniquement pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique ;
- nous demandons que toutes les condamnations et les peines de mort prononcées à la suite des manifestations soient annulées, les autorités doivent s’abstenir de demander de nouvelles condamnations à mort et veiller à ce que toute personne accusée d’une infraction pénale reconnue soit jugée dans le cadre d’une procédure conforme aux normes internationales en matière d’équité des procès, sans recours à la peine de mort ;
- nous appelons à la libération de toutes les prisonnières et tous les prisonniers d’opinion en Iran.
Nous rappelons notre opposition absolue à la peine de mort en toutes circonstances et en tous lieux et exhortons le gouvernement français, fidèle à sa tradition abolitionniste, à mettre en œuvre tous les instruments diplomatiques à sa disposition pour que l’Iran ratifie les conventions internationales abolissant la peine de mort.
Paris, le 26 avril 2024
Signataires : Iran Justice, Neda d’Iran, Amnesty International, Queers & Feminists for Iran Liberation, Azadi 4 Iran, Collectif Phénix, Collectif Alborz, Ligue des Femmes Iraniennes pour la démocratie, association pour la défense des droits de l’homme et des revendications démocratiques culturelles du peuple azerbaïdjanais Iran Hamava, Comité indépendant contre la répression des citoyens iraniens, Ligue de défense des droits humains en Iran International Community of Iranian Academics, Alliance des femmes pour la démocratie, Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, LDH (Ligue des droits de l’Homme), Ensemble contre la peine de mort.