Tribune collective dont la LDH est signataire
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En grève depuis cinq mois, 254 mineurs de cobalt au Maroc sont privés de salaires. Ces « graves atteintes » doivent cesser, appellent les auteurs de cette tribune, à l’occasion de la visite d’Emmanuel Macron dans le pays.
En écho à la grève des 254 mineurs en sous-traitance de la mine de Bou-Azzer, au sud du Maroc, nos organisations dénoncent les graves atteintes aux droits des travailleurs, des populations locales et à l’environnement de l’extraction de cobalt et plus largement les impacts internationaux de l’industrie automobile européenne.
Au Maroc, au Mali, au Congo comme en France, en Allemagne et partout ailleurs, le développement exponentiel des projets miniers impacte ou menace des écosystèmes entiers et des milliers de vies humaines, malgré les artifices rhétoriques des entreprises les présentant comme « responsables » ou « nécessaires à la transition énergétique ». Nous appelons les donneurs d’ordre, au premier rang desquels BMW et Renault, à prendre des mesures urgentes pour protéger les droits humains et l’environnement dans leurs chaînes d’approvisionnement.
À l’heure où nous écrivons, ces 254 mineurs n’ont pas été payés depuis cinq mois et sont en grève depuis le mois de juin. La plupart d’entre eux ont des familles et des enfants. L’entreprise marocaine Managem, groupe minier marocain international appartenant à la holding royale Al Mada, exploite la mine de cobalt de Bou-Azzer en recourant massivement à la sous-traitance. Ce sont les mineurs de l’une de ces entreprises, Top Forage, qui sont aujourd’hui privés de salaires et ont découvert que leur employeur n’avait pas versé de cotisations sociales depuis des années, se présentant comme insolvable.
En novembre dernier, nos organisations signaient déjà une tribune pour dénoncer les conditions d’extraction dans la mine de cobalt et d’arsenic de Bou-Azzer, qui se déroulent au mépris des règles les plus élémentaires de sécurité, du droit du travail, de l’environnement, du respect des populations locales et de la liberté d’association, alors même que BMW et Renault, les deux clients principaux, vantent leur politique d’approvisionnement exemplaire en métaux.
Pour les voitures des Européens
Depuis 2020, BMW est l’un des clients de Managem. Renault a également conclu avec Managem un accord pour la fourniture de 5 000 tonnes de sulfate de cobalt par an, à partir de 2025, permettant d’alimenter la production de 300 000 batteries pour véhicules électriques dans sa gigafactory du nord de la France.
Ce cobalt, qui sert à produire des alliages et les cathodes des batteries des voitures électriques européennes, est en partie extrait des galeries de Bou-Azzer dans des conditions catastrophiques. Les mineurs dénoncent leurs conditions de travail dangereuses, leur matériel vétuste et leur exposition systématique aux poussières toxiques.
Les riverains, dont une vingtaine d’enfants, respirent quotidiennement des poussières d’arsenic issues des montagnes de résidus entassés à côté de la mine. En un siècle, elle a pollué à l’arsenic les oasis de toute une vallée et épuise la nappe phréatique dans une zone désertique souffrant déjà de sécheresses qui sont devenues plus fréquentes et plus intenses ces dernières années à cause des changements climatiques.
Obligations
Nos organisations dénoncent la répression et les intimidations des militant·es syndicaux et grévistes. Nous appuyons les demandes des syndicats et salariés et nous demandons aux employeurs, aux donneurs d’ordres et à l’État marocain :
– le versement des salaires arriérés et revalorisation de ceux-ci en incluant les mois de grève ;
– le rétablissement de la couverture maladie, de la prime d’ancienneté et du camp d’été ;
– la mise en place de formations nécessaires à l’accomplissement des missions et postes en toute sécurité ;
– la dotation de matériel de sécurité adéquat pour tous les personnels ;
– la remise aux normes des dispositifs de sécurité et de protection de la mine ;
– l’arrêt du drainage et de l’épuisement de la nappe phréatique jouxtant la mine avec la fixation de seuils donnant priorité aux besoins du milieu et en eau potable des habitant·es.
Qu’il s’agisse de Renault, de BMW, de Managem, nous exigeons que les entreprises responsables de ces mauvais traitements prennent les mesures que la dignité et le droit international imposent. Ces entreprises ont une obligation d’identifier les risques d’atteintes aux droits humains et à l’environnement dans leur chaîne d’approvisionnement. La responsabilité ne peut être éternellement déléguée ni diluée dans un mécanisme de sous-traitance qui reporte les engagements vis-à-vis des travailleurs et des habitant·es sur des structures qui ne peuvent ou ne veulent pas les assumer.
Les premières organisations signataires : Association Henri Pézerat, Association marocaine des droits humains (AMDH), Association de défense des droits de l’homme au Maroc (ASDHOM), Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF), Attac France, Attac/Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers-Monde (CADTM) Maroc, Confédération générale du travail (CGT), Fédération internationale des droits humains (FIDH), Fondation Danièle Mitterrand, Jonction pour la défense des droits des travailleurs (Maroc), LDH (Ligue des droits de l’Homme), SUD Renault/Ampère Île-de-France, Union Syndicale Solidaires