Communiqué commun CIMADE, GISTI, IRIS, LDH
Quatre associations demandent au Conseil d’État d’annuler le fichier « Eloi »
En plein mois d’août a paru au Journal Officiel un arrêté créant, au ministère de l’Intérieur, un nouveau fichier dit « Eloi », destiné à faciliter l’éloignement des étrangers en situation irrégulière. Un fichier de plus, dans un domaine où il en existe déjà beaucoup, mais qui a une spécificité : y figureront non seulement les étrangers en instance d’éloignement, mais aussi leurs enfants, mais aussi les personnes chez qui ils sont assignés à résidence, mais aussi les personnes qui leur rendent visite dans les centres de rétention.
La Cimade,le Gisti, Iris et la LDH ont déposé le 2 octobre devant le Conseil d’État un recours en annulation contre l’arrêté ministériel. Les associations font valoir que le fichage prévu enfreint les principes qui régissent la protection des données personnelles en prévoyant d’enregistrer et de conserver des informations qui ne sont pas strictement nécessaires à la poursuite d’objectifs légitimes. On ne voit pas, en effet, en quoi la collecte de données relatives aux enfants, aux visiteurs ou aux hébergeants peut servir à lutter plus efficacement contre l’immigration irrégulière.
Si l’utilité de ce fichage généralisé est plus que douteuse, son objectif réel, lui, est clair : il s’agit d’intimider et de dissuader. C’est une étape de plus dans l’évolution d’une politique qui conduit à considérer comme suspecte toute personne qui entretient des liens ou simplement entre en contact avec des étrangers sans-papiers : les conjoints, les amis, désormais les « visiteurs ».
Ce fichage pour faire peur est intolérable dans une société démocratique.
Au-delà des dérives de la politique d’immigration, l’affaire illustre aussi l’effondrement programmé des garanties entourant la constitution des fichiers : non seulement la loi de 2004 réformant la loi informatique et libertés de 1978 permet désormais à l’exécutif de passer outre à un avis négatif de la CNIL, mais en l’espèce la CNIL n’a même pas eu le temps – ou n’a pas pris la peine – de rendre un avis : saisie le 18 mai, elle ne s’était pas encore prononcée le 18 juillet ; et son silence gardé pendant deux mois, toujours selon la nouvelle loi, valait approbation implicite.
En 1997, un projet de fichage des personnes hébergeant des visiteurs étrangers avait fait descendre dans la rue des dizaines de milliers de personnes. En 2003, la loi Sarkozy a recréé cette possibilité, avalisée successivement par le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État, sans provoquer de réactions au-delà des habituels défenseurs des droits des étrangers.
Le fichier Eloi contribuera-t-il à faire prendre conscience que cette conception policière de la politique d’immigration sape les fondements de notre démocratie et aboutit à une réduction continue de nos libertés ?