Texte du groupe de travail « laïcité »
D/ La laïcité à l’épreuve de l’Islam.
L’Islam n’est pas présent en France en 1905, ni le Bouddhisme.
I/ L’affaire du foulard dit « islamique.
a) Une tentative de solution libérale pour l’accueil des jeunes musulmanes dans l’espace scolaire de l’enseignement public.
Depuis 1988 en effet et l’affaire des foulards au collège Gabriel Havez de Creil, la présence de musulmans et la visibilité de l’Islam dans l’espace scolaire impose une nouvelle analyse du rôle de la laïcité. Lionel Jospin, ministre de l’Education nationale, consulte le Conseil d’Etat sur le port par les élèves de signes religieux à l’intérieur des établissements scolaires ; la France ratifie la convention internationale des droits de l’enfant ; elle avait ratifié en 1975 la convention européenne des droits de l’homme ; ces deux conventions sont très précises sur les exigences de la liberté religieuse et de son expression ; la loi d’orientation de l’Education Nationale votée en juillet 1989 reconnaît aux élèves la libre expression de leurs conviction en leur interdisant tout prosélytisme. Lorsque le Conseil d’Etat rend son avis, il tient compte de toutes ces données, et il précise que le port de signes religieux, à l’intérieur de l’enceinte des établissements scolaires, n’est pas, en lui-même, une atteinte à la laïcité. Le « camp laïque » explose, et c’est tout bénéfice pour la droite, même si, de ce côté là aussi il n’y a pas d’unanimité.
b) Raidissement.
Le retour de la droite au gouvernement se traduit par deux circulaires de Bayrou, ministre de l’Education Nationale, qui tentent d’encadrer sinon de restreindre la portée de la loi d’orientation et de l’avis du Conseil d’Etat. La circulaire parue fin septembre 1994 est plus restrictive que celle de l’année précédente et elle a l’inconvénient, vis-à-vis des élèves et de leurs parents, de changer les règles une fois la rentrée faite. Manifestement, la droite est réticente vis-à-vis de l’interprétation « libérale » permise par le dispositif Jospin et une gauche autoproclamée républicaine la rejoint, invoquant pêle-mêle Condorcet, Jules Ferry, les hussards noirs de la République. Un certain nombre de jeunes filles qui portaient le foulard sont exclues après conseil de discipline des Lycées Faidherbe à Lille, Romain Rolland à Goussainville et Saint-Exupéry à Mantes-la-Jolie. Les manifestations de soutien de jeunes musulmans qui prétendaient les aider n’avaient pas été discrètes ; mais la décision de porter le foulard prise par ces jeunes filles, autant qu’on ait pu le savoir (Françoise Gaspard, Fahrad Khosrokavar « Le foulard et la République »), n’était pas une manière d’obéir à leur père ou aux hommes de leur famille, mais plutôt une décision et un engagement personnel. Qu’on puisse juger leur décision inopportune, voire périlleuse est une chose. C’est un fait que pour la plupart elles avaient délibérément choisi cette forme d’affirmation. C’est très exactement ce que beaucoup ne veulent pas entendre.
c) Des commissions nationales étaient-elles nécessaires ?
Le ministère de l’Education nationale avait recruté en 1994 une médiatrice, Hanifa Chérifi, qui est restée en poste jusqu’à aujourd’hui et qui avait constaté, sur la durée, plutôt une tendance à la baisse du nombre de jeunes filles portant le foulard et des difficultés qui en découlaient. On comprend d’autant plus mal la décision de réunir des commissions nationales pour examiner, non pas les problèmes généraux de la laïcité à l’école comme il a été dit, mais d’abord ce problème des jeunes musulmanes portant le foulard, et, autant que possible, sans interroger les intéressées « nécessairement manipulées ». On connaît la loi votée en Mars 2004. La plupart des députés, gauche et droite réunies, l’ont votée. Il faut s’interroger sur ce que signifie la laïcité quand elle devient un argument de stigmatisation de quelques françaises qui prétendent afficher leur conviction musulmane. Au passage, mais ce n’est sans doute pas un hasard, le débat passionné « sur le foulard » a permis de squeezer ou réduire le débat beaucoup plus important sur « quelle école aujourd’hui », beaucoup plus fondamental mais beaucoup plus difficile à mener : qui oserait dire, par exemple, que la culture minimale devrait permettre à chaque jeune électrice, à chaque jeune électeur de comprendre et de se prononcer sur le traité constitutionnel, sachant que la première mission de l’institution scolaire est de faire des élèves qui lui sont confiés des citoyens éclairés. Définir, à partir de là ce que doit être l’école unique de l’enseignement obligatoire, ce que doivent être les disciplines et les programmes, et enfin quels enseignants doivent les maîtriser, les transmettre et s’assurer que leur enseignement a été efficace, apparaît comme une tâche insurmontable : et c’est pourtant cette école-là et cette république là que nous postulons.
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