Tribune collective signée par Patrick Baudouin, président de la LDH
Lire la tribune sur le Journal du dimanche (JDD)
Lire le rapport 90 propositions pour mettre fin aux violations des droits des mineur-es isolé-es
35 associations et leurs représentants demandent au gouvernement de mieux assurer l’accueil et la protection des mineurs en danger, y compris lorsqu’ils sont étrangers.
Nous, associations engagées au quotidien dans la défense des droits des mineurs isolés étrangers et jeunes majeurs, appelons le gouvernement à garantir un accueil et une protection adaptés à tous les enfants en danger, y compris lorsqu’ils sont étrangers.
Un an après la promulgation de la loi relative à la protection des enfants dite « Loi Taquet », nous constatons que les droits de milliers d’enfants présents sur le territoire français ne sont toujours pas pleinement respectés.
La loi « Taquet » a globalement permis d’améliorer la protection de l’enfance mais a constitué un recul pour les droits des mineurs isolés. Les quelques dispositions favorables les concernant, telles que l’interdiction de l’hébergement hôtelier ou l’instauration d’un temps de répit avant l’évaluation de leur minorité, sont dérisoires au regard des mesures remettant en cause leur accès à la protection de l’enfance.
En contraignant financièrement les départements à organiser leur passage en préfecture et en généralisant le recours au fichier biométrique d’appui à l’évaluation de la minorité (AEM), le texte a dévié de son objectif de protection. Il a notamment facilité l’expulsion de ceux considérés majeurs avant même qu’ils puissent exercer leur droit au recours en fournissant les preuves de leur minorité. Ces mesures dissuadent aussi certains jeunes de demander une protection tout en multipliant les risques d’erreur dans l’évaluation de leur minorité.
Depuis des années, nous sommes témoins des violations régulières de leurs droits, depuis leur arrivée sur le territoire français jusqu’à leur accès à la majorité. Leur situation est encore plus critique dans les territoires ultra-marins.
Nous représentons des organisations très diverses mais nos constats sont unanimes : non-respect des principes de présomption de minorité et de l’intérêt supérieur de l’enfant, refoulements illégaux aux frontières, refus de mise à l’abri par les départements dès leur arrivée, mise en place de mesures de contrôles dissuasives – telles que le relevé et la comparaison de leurs empreintes dans des fichiers biométriques et l’utilisation de « tests osseux » dont la fiabilité est contestée –, refus de prendre en compte leurs documents d’état civil, de les scolariser, de les laisser déposer une demande d’asile ou de leur permettre de bénéficier d’une tutelle. Leur minorité est souvent remise en cause à toutes les étapes de leur parcours administratif et judiciaire, faisant primer une logique de suspicion plutôt que de protection.
Nous le constatons au quotidien – dans son format actuel – le dispositif dit « d’accueil, d’évaluation et de prise en charge » des mineurs isolés aboutit le plus souvent à replacer ces enfants en situation d’errance ou à la rue. Il génère de la souffrance, aggrave leur état de santé et amplifie les risques qu’ils soient soumis à l’emprise d’individus ou de réseaux d’exploitation ou de traite des êtres humains.
Pourtant, nous proposons des solutions concrètes pour améliorer leur protection, favoriser leur repérage et assurer une prise en charge adaptée à leurs besoins. Elles figurent dans un document intitulé « Mettre fin aux violations des droits des mineurs isolés : 90 propositions pour une meilleure protection » qui sera rendu public lundi 6 février. Parmi elles, figure la proposition de placer le juge des enfants au centre de la procédure d’évaluation, afin de garantir le respect de la présomption de minorité et de permettre aux mineurs d’être aidés dans la reconstitution de leur état civil quand les documents qu’ils ou elles présentent sont contestés. D’autres propositions visent à assurer leur scolarisation, leur accès à une couverture maladie dès le premier accueil et le respect de l’accueil provisoire d’urgence. Enfin, nous proposons d’améliorer le système de répartition nationale, de lever les obstacles au droit d’asile, de faciliter l’ouverture des tutelles ou encore de délivrer un titre de séjour de plein droit à la majorité pour tous les jeunes ayant été confiés.
Alors que le Comité des droits de l’enfant s’apprête à examiner la situation de la France dans les prochains mois, nous appelons le gouvernement à passer d’une logique de contrôle à celle de protection. Il est urgent de prendre des mesures fortes pour réformer la prise en charge des mineurs isolés et respecter, enfin, leur droit à être traités comme des enfants.
Signataires : Fanélie CARREY-CONTE, Secrétaire Générale de La Cimade ; Christophe DAADOUCH, coprésident du Gisti ; Catherine DELANOE DAOUD, présidente de l’AADJAM (Association d’Accès aux Droits des Jeunes et d’Accompagnement vers la Majorité) ; Véronique DEVISE, présidente du Secours Catholique – Caritas France ; Emilie DEWAELE, présidente de Infomie ; Adeline HAZAN, présidente de l’UNICEF France ; Dr Florence RIGAL, présidente de Médecins du Monde ; Patrick BAUDOUIN, Président de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Chantal BERNARD, co-présidente de Min’de Rien, association de soutien aux jeunes étrangers isolés dans la Vienne ; Philippe CHEVILLARD, président de ECPAT France ; Geneviève COLAS, Coordinatrice du Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » ; Gwenaël CRENN, présidente de l’association Collectif AMIE ; Coordination Nationale Jeunes Exilé.es en Danger ; Collectif soutiens/migrants Croix-Rousse ; Claire DUJARDIN, présidente du Syndicat des Avocats de France ; Didier FASSIN, président du Comede ; Daniel GOLDBERG, Président de l’UNIOPSS ; Stéphan LAPLANCHE, président de l’Association Droit à l’École et Morgane Magdelain, coordinatrice des projets ; Guillaume LARDANCHET, directeur de Hors la Rue ; Noam LEANDRI, président du collectif ALERTE ; Armelle LE BIGOT-MACAUX, présidente du Conseil français des associations pour les droits de l’enfant (COFRADE) ; Joran LE GALL, président de l’ANAS (Association nationale des assistants de service social) ; Renaud MANDEL, président de l’ADMIE ; Martine MAURICE et Laurent CHAZELAS pour le CEP-Enfance (Construire Ensemble la Politique de l’Enfance) ; Jean-Claude MAS, Délégué général de Futur Au Présent – International ; Florine PRUCHON – coordinatrice de la Dynamique ”De la Convention Aux Actes !” ; Antoine RICARD, président du Centre Primo Levi ; Christophe ROBERT, Délégué général de la Fondation Abbé Pierre ; Lise-Marie SCHAFFHAUSER Animatrice du pôle Innovation UNAPP (Union Nationale des Acteurs de Parrainage de Proximité) ; Pierre SUESSER, Co-prėsident du Syndicat national des médecins de protection maternelle et infantile ; Flor TERCERO présidente de l’ADDE (Avocats pour la Défense des Droits des Etrangers) ; Nicolas TRUELLE, directeur général d’Apprentis d’Auteuil